Test décevant : Allemagne-Lille en tout électrique

C’est une voie de circulation au cœur de l’Europe, européenne même : l’autoroute qui relie l’Allemagne à la France, en traversant la partie sud de la Belgique, la Wallonie. Un axe que parcourt également le train Thalys, jusqu’au décrochage vers Paris. Pour ma part, j’ai décidé de l’emprunter pour relier Bonn à Lille avec une voiture électrique, la fameuse Zoé, que l’on m’avait gentiment prêtée, notre vieux diesel familial ayant rendu l’âme. Mon trajet s’est transformé en parcours du combattant. (1)

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Le voyage était bien préparé, et je suis partie pleine d’espoir. Avec un léger frisson d’aventure pour mon premier long trajet en tout électrique. Tout le monde m’avait assuré : « pas de problème, on peut charger la batterie en route. Et d’ailleurs une seule recharge devrait suffire. » Bonn-Lille, ce ne sont que quelques 347km à faire en 3h29, d’après les GPS. Effectivement, ce n’est pas une épreuve insurmontable.

La veille donc, je charge ma voiture à 90%, ce qui me donne à peu près 300km d’autonomie. Je m’étais enregistrée sur plusieurs applications comme ADAC (l’automobile club allemand, un mastodonte de quelques 21 millions d’adhérents) et EnBW Mobility qui dispose d’un réseau de paiement à travers toute l’Europe. Par ailleurs, je disposais de deux cartes de paiement, l’une de l’ADAC et l’autre de Shell. Avec un soin quasi militaire, la soirée de la veille avait été consacrée à étudier le nombre de bornes de recharge possibles. Et un plan de voyage préparé.

J’avais calculé le premier arrêt à quelques kilomètres après Liège à la station Verlaine sud, soit après 166km de Bonn, par précaution, pour avoir suffisamment de marge d’autonomie. Je rappelle qu’il s’agissait du premier voyage en tout électrique. Quatre bornes sont annoncées pour cette station. L’une « inconnue », mais parmi les trois autres, l’une à charge rapide et deux de type 2, l’une à 22kWh, l’autre à 20kWh, tout à fait praticables.

Peu de chauffage et petite vitesse

Rassurée, je pars donc le matin, il fait assez froid 5 degrés, l’autoroute allemande est assez chargée. Je me permets un peu de chauffage et surtout de rouler de temps en temps à la vitesse supersonique de 100km/heure pour doubler les camions. Le résultat est que lorsque j’arrive à la station je n’ai plus que 134km d’autonomie. Il me faut rapidement recharger ma batterie pour poursuivre le voyage. J’ai encore 178km à parcourir.

Je me réjouis d’un café pour me réchauffer, car le chauffage que je n’ose monter est insuffisant et la voiture est froide. Lorsque je sors, ce n’est guère accueillant, le vent est froid, il fait 7 degrés et surtout, je ne vois aucune station électrique. En scrutant d’un peu plus près, je découvre deux bornes maigrelettes situées de manière aléatoire au milieu du parking. Toutes deux sont occupées. Je me dirige vers la boutique de la station et découvre au passage une borne rapide, qui semble plus ou moins (à l’abandon) hors d’usage. Avec un chargeur qui ne correspond pas à ma voiture et aucune indication sur le cadran moniteur. Rien ne semble bouger. Et de toute manière si jamais elle fonctionnait, il me faudrait une application Q8 que je n’ai pas. Très décontenancée, je m’adresse à la caisse de la station. Un jeune homme très aimable m’accompagne et me déclare : « la borne à chargement rapide ne fonctionne plus. D’ailleurs il vous faudrait du temps pour charger votre application et être enregistrée. Les deux autres bornes sont occupées. Impossible à savoir pour combien de temps. Nous avons signalé il y a un an le manque de bornes, mais personne ne réagit. Ce n’est pas nous les gestionnaires. » Quand il voit ma mine déconfite, il me dit en riant « Quand je vois les galères des gens, pour moi c’est clair, pas de tout électrique. Peut-être seulement de l’hybride ! »

Fini l’espoir de café chaud, ma tension monte, il faut que je trouve rapidement une solution. Je n’ai pas assez de batterie pour arriver à Lille. La station suivante est-elle mieux fournie ? Il n’en a pas la moindre idée. « Vous pouvez tenter votre chance » est sa réponse. Je décide donc de partir pour la station suivante, je n’ai guère de temps à perdre, une tempête est annoncée pour le soir. Mais ne sachant pas si je trouverai une borne en bon fonctionnement, je m’applique à dépenser le moins de batterie possible. Chauffage coupé, emmitouflée dans mon manteau, j’avance comme un escargot sur les 40km prochains, les yeux rivés sur la jauge de chargement. Les camions s’exaspèrent, je le comprends parfaitement, mais je suis plongée dans l’angoisse. La pluie se met de la partie, je me demande si les essuie-glaces sont de gros consommateurs d’énergie. Cela me rappelle les temps de la 2 CV des temps anciens, dont les essuie-glaces fonctionnaient en fonction de la vitesse de la voiture ! La Zoe est bruyante et froide, et je me demande ce que je fais dans cette galère. Et comme dans un filme catastrophe, la lumière de mon tableau de bord s’éteint. Peut-être pour limiter la consommation électrique.

Comme des pestiférés

Lorsque j’arrive à Spy, la station suivante, une station Total, une batterie de pompes à essence (10) protégées par un auvent, m’accueille. Mais qu’en est-il des bornes de recharge pour voitures électriques ? Aucune panneau indicateur. Il faut aller se renseigner à la boutique. Là on m’informe qu’une borne se trouve dehors, derrière le bâtiment. Je sors á nouveau dans le vent et la pluie, et effectivement, comme pour les pestiférés, au milieu de gravats et des camions, une borne solitaire attend sa clientèle. Alléluia, je suis sauvée! Effectivement, elle marche sans problème avec les cartes dont je dispose, en charge rapide et charge lente. J’ai opté pour le chargement lent, car je veux enfin prendre un sandwich et un café. Lorsque je reviens, un client allemand est prêt à charger et attend son tour, passablement énervé parce que je me suis mal garée. C’est vrai. J’interromps donc mon chargement pour lui permettre l’accès à la borne de chargement rapide. Lorsque je veux reprendre le mien, c’est impossible. Il semble bien que cette borne ne puisse alimenter qu’un véhicule à la fois. Sauf erreur de manipulation de ma part, ce qui est tout à fait possible. Au moment où je pars, une autre cliente demande à charger sa voiture. Nous devons lui dire que cela ne semble pas possible. Quoiqu’il en soit, j’imagine la queue lors d’un jour de grand départ en vacances… ! Une seule borne à deux places.

Le retard wallon…

 Devant cette situation, je fais part de mes doutes au client allemand avec lequel je suis entrée en conversation. Pour lui, pas de problème. « Cela fait cinq ans que je roule en voiture électrique. Principalement en Hollande et en Allemagne. Je n’ai jamais eu de souci », me confie-t-il. Il est arrivé à la station avec 11% de charge restante, mais cela n’a pas semblé l’angoisser. Et pour cause. Il est un habitué de pays bien équipés.  Dans un article intitulé « Le manque de bornes de recharge en Wallonie, presque de la réticence, pire de la négligence » daté du mois d’août dernier, le journaliste Robert van Apeldoorn pointe du doigt la situation catastrophique de la Wallonie dans le domaine de la voiture électrique. Il la décrit « comme une île entourée de régions et de pays à la pointe pour le développement de réseaux de bornes ». Quelques 2448 nouvelles bornes de rechange viennent d’être péniblement cartographiées dans cette partie francophone de la Belgique, tandis que le sud du pays, la Flandres, néerlandophone en compte quelques déjà…20 000 !

Chargement efficace mais cher

Lorsque j’arrive à ma dernière station en territoire belge, au Roeulx, j’ai encore 33% d’autonomie. C’est suffisant pour terminer mon voyage, mais je veux tester la dernière station planifiée pour ce voyage. Et là vision de bonheur, une batterie de bornes, certes sans auvent, mais qui néanmoins ont le mérite d’exister. Des bornes Ionity, au prix très élevé de charge à 0,79 centimes kWh. Deux ou trois voitures sont en charge. Et je m’y dirige aussi. Aucun problème de paiement avec mon Q/R code. Par contre, il s’agit d’un chargeur rapide et je suis étonnée de constater que la vitesse ne semble pas très élevée. C’est alors qu’un des clients vient vers moi, emmitouflé dans une parka contre le vent et la pluie et me recommande : « Vous devriez changer de borne, il n’y en a que quelques-unes à chargement vraiment rapide. » Le client en question est belge, commercial professionnel et parcourt quelques 300km quotidiens dans la région en électrique. Il me confie : « C’est une vraie galère. La Wallonie est complètement sous-équipée en bornes, personne ne s’en occupe. Certaines ne marchent pas du tout. Je vis tout le temps dans l’angoisse de me retrouver en panne sur une station. Jamais je ne m’achèterais une voiture électrique, mais c’est la boîte (allemande) qui a mis toute sa flotte à l’électrique.  Résultat, je suis obligé de rouler, en tension permanente pour trouver une recharge. Et de leur côté, cela leur coute une fortune. On m’a même demandé de recharger ma voiture chez moi. Sauf que j’ai une installation photovoltaïque sur mon toit. Désormais, je ne paye que 10€ d’électricité par mois. Mais si je recharge la grosse voiture de ma firme, cela fera exploser ma note. Pas question. » Et il m’assure que cette situation désastreuse est une spécificité de la région Wallonie. Lorsque je lui demande s’il n’y a pas de débat à ce sujet : « Si bien sûr, mais on débat, on débat…et après rien ne suit. »

Je me sens moins seule maintenant, et je commence à comprendre qu’il y a un réel problème sur cet axe Aix-la-Chapelle – France. Malgré l’avancée du tout électrique, la réalité ne correspond pas aux attentes. Seuls des véhicules chers à grande autonomie permettent d’envisager de longs trajets. C’est dommage.

  • En l’occurrence A4, E 42 et un morceau de l’A1.

Energie, regards vers le sud

Le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts sur le climat) le confirme : notre planète se réchauffe à grande vitesse. Et il faudrait vraiment s’aveugler pour ne pas en voir déjà les conséquences. Au changement climatique s’est ajouté un autre fardeau : la guerre en Ukraine. Avec comme conséquence la nécessité d’accélérer la transition énergétique. Avec quelles ressources ? Sur ce thème les opinions françaises et allemandes divergent.

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Le pari des renouvelables

Le soleil comme atout. Et le vent comme allié. Les Allemands y croient et s’emploient à leur développement. Cette fée électrique verte devrait également favoriser le développement de l’hydrogène. Certes l’éolien terrestre a suscité des levées de bouclier en Bavière, mais rien à voir avec le déversement de haine que l’on connait en France. D’ici 2030, 80% de l’électricité produite en Allemagne doit provenir de renouvelables.

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Menace nucléaire : l’Allemagne s’inquiète

Avec les allusions menaçantes de Poutine en février dernier sur un éventuel usage d’armes dotées de l’atome dans la guerre en Ukraine, le cauchemar d’une guerre nucléaire plane sur l’Europe. Pour l’Allemagne qui s’est longtemps rêvée comme une grande Suisse, le choc est énorme. Alors en un temps record, elle réarme, met sur la table 100 milliards d’Euros à cet effet. Et s’interroge sur sa vulnérabilité.

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La Zoe, chouchou des Allemands détrônée par la Tesla 3

Les constructeurs allemands, très surs d’eux, VW, BMW, Audi, Mercedes, ont fait tout ce qu’ils pouvaient- y compris les falsifications de moteur- pour éviter la transformation radicale à l’électrique. Résultat : ce sont des étrangères, la Zoe de Renault et désormais la Tesla 3 qui ont conquis le cœur des Allemands. Mais, avec les mesures législatives contraignantes, plus d’esquive possible. Et les Allemands se mettent lentement à l’électrique, malgré les contraintes.

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Environnement

Climat : un double langage

On a pu voir, sur toutes les estrades et les plateaux de télévision durant la campagne électorale, les candidats à la chancellerie proclamant, main sur le coeur, que la lutte contre le changement climatique était leur priorité. Mis à part les candidats du parti d’extrême-droite AfD. Mais, dans la réalité, les citoyens ont souvent une autre impression…

« On nous prend pour des idiots», voilà le titre d’un éditorial vengeur du quotidien General Anzeiger de Bonn, l’ancienne capitale, à deux jours de l’élection. Il suffit de lire l’article pour comprendre : les prix du ticket de bus et de tramway de la région Cologne-Bonn vont augmenter de 1,5% au premier janvier prochain. (Ils sont déjà très élevés : 2,90€). Mais, étrangement, la décision ne sera prise définitivement qu’après les élections législatives ! Les responsables politiques craindraient-ils la colère de leurs électeurs ? Ce genre de manœuvre en tous cas ne renforce guère la confiance des citoyens.

Un bus indispensable mais cher, dans le trafic du soir à Bonn

Confiance ébranlée

Sur le papier, la raison de cette augmentation est compréhensible : la régie des transports (ÖPNV) est en déficit depuis des années. Les communes n’arrivent pas à financer les transports en commun par le seul prix du ticket, et ce, malgré les augmentations régulières. Des solutions sont régulièrement invoquées : subvention de la région (le Land) ou de l’état. D’autres pistes sont discutées, plus innovantes, comme  de reverser l’argent collecté dans les parkings à la régie des transports en commun. Mais  dans la réalité, rien ne se passe et pour une famille, la voiture reste la plus rentable. Alors, malgré les discours électoraux, tant pis pour la transition énergétique. Le climat attendra !

Après la catastrophe

Ici, la catastrophe a déjà eu lieu. Ici, c’est dans la région de l’Ahr. Je vous en ai parlé dans le post précèdent. Et là encore, certaines victimes n’ont pas l’impression que cet évènement hors normes ait provoqué un véritable changement. Deux femmes, Doris Schmitten et Katherina Müller, originaires d’un des villages les plus ravagés, Insul, ont lancé début septembre une pétition intitulée Reconstruction de l’Ahr : La nature et les humains ensemble   (Wiedahraufbau-Natur und mensch gemeinsam) qui a déjà rassemblé quelques 4500 signatures et est soutenue par le groupe local des Grünen. Elles dénoncent le fait que la rivière soit réinstallée dans son ancien lit sans prévoir des zones suffisantes de débordement. Elles s’insurgent que des habitants pensent à acheter des chaudières à fuel alors que d’autres « sont obligés de démolir leur maison parce que 4500 litres de fuel ont inondé leur cave », comme elles le confient au journaliste du quotidien General Anzeiger. Leur pétition réclame, elle, un changement de paradigme : un système énergétique décentralisé avec chauffage par thermie solaire et pompes à chaleur.  Plutôt que de remettre en route des stations d’essence, elles demandent l’ouverture de lignes de chemin de fer dans la vallée et l’installation de bornes de recharge pour voitures électriques. Bref, autant de mesures pour lutter contre les effets du changement climatique que la population de cette vallée a vécu dans sa chair avec un bilan sidérant de plus de 140 victimes.

On le voit, le fossé entre les déclarations politiques proférées du haut des estrades et la réalité vécue par les citoyens existe et provoque l’incompréhension. Les conséquences de cette rupture de confiance peuvent être graves : de l’abstention aux élections aux manifestations violentes, en passant par des pétitions engagées. Seul un réel débat avec les citoyens concernés, peut amener à politiques adaptées aux différents territoires. Le climat, indifférent à nos tergiversations, n’attend pas…

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Environnement

Les Allemands sont-ils écolos?

Plus que quelques jours avant l’élection législative à l’issue de laquelle sera désignée la chancelière ou le chancelier.  Après les inondations catastrophiques subies par l’Allemagne cet été, on pourrait penser qu’un vrai virage écologique s’annonce dans ce pays. En fait il faut être plus nuancé…

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Environnement

Le chardonneret élégant, un végétarien qui gagne

Un oiseau à protéger (photo Pixbay)

Durant la pandémie nombre de Français ont pris la plume. Du côté allemand, beaucoup se sont livrés au comptage des oiseaux de leurs jardins. La participation à cette campagne était record durant le premier confinement, l’année dernière. Et, cette année, l’engouement s’est maintenu, comme le note avec satisfaction le NABU, (Naturschutzbund Deutschland e.V.), organisateur de cette campagne. Un oiseau semble le grand gagnant de ce comptage de printemps : le chardonneret élégant…

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Transports en commun gratuits ?

Ne plus payer pour les bus, trams ou métros, quelle bonne idée ! On ne la doit pas à un écolo idéaliste mais au très sérieux ex-chef de la chancellerie, Peter Altmeier, l’homme de confiance d’Angela Merkel. En réalité c’est une proposition faite dans l’urgence, pour essayer d’amadouer la commission européenne, qui a lancé une mise en garde à l’Allemagne pour non-respect des normes environnementales. Les communes sont vent debout, mais que faire alors ? Lire la suite

Haro sur les diesels dans les villes

 

Quand la politique est incapable de prendre les décisions qui s’imposent, c’est la justice qui tranche, en Allemagne en tous cas. La Cour administrative fédérale a estimé, dans un jugement très attendu, que la mise en œuvre d’une interdiction de circuler pour les voitures diesels est légale. Deux villes, Stuttgart et Düsseldorf, sont concernées par ce jugement. Mais d’autres sont touchées également Lire la suite