Après l’empathie pour les réfugiés, l’anxiété gagne l’Allemagne

Une sacrée somme : c’est au moins 10 milliards d’euros que l’Allemagne devra sans doute réunir cette année pour financer l’aide et l’installation des quelques 800 000 réfugiés annoncés. Mais la ministre du travail, la sociale-démocrate Andrea Nahles a mis en garde : seul un réfugie sur dix environ peut être considéré comme directement adapté au marché du travail. Le chômage risque d’augmenter.

Le périple de ces réfugiés à Berlin n'est pas terminé/Photo EC

Quelques barquettes offertes et le trottoir pour déjeuner/Une famille de réfugiés à Berlin/Photo EC

Après la vague de sympathie et l’élan de solidarité, l’inquiétude gagne l’Allemagne… Le vice-chancelier, chef de file des sociaux-démocrates, Sigmar Gabriel n’a pas hésité lui aussi à déclarer à la sortie d’une réunion de son parti avec des maires : « Il n’est pas possible que l’Allemagne soit le pays qui paye en Europe et que tous participent quand ils reçoivent de l’argent mais que personne ne bouge quand il faut prendre ses responsabilités. » Une phrase aux relents démagogiques mais qui reflète pourtant bien l’état d’esprit du pays. Quant à son collègue de l’Intérieur, Thomas de Maizière, il a carrément déclaré que « l’UE devrait réfléchir à des mesures de rétorsion financière pour faire pression sur les Etats membres. » La chancelière Angela Merkel a dû le recadrer. Bref autant dire que les nerfs sont à vifs à Berlin et la belle harmonie de « l’été de la solidarité » envolée. 

Explosion du solde migratoire

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L’été de la solidarité à Berlin-Moabit/août 2015/Photo Elisabeth Cadot

Après le « welcome Refugees » ou même « more refugees » tagués un peu partout, le temps des comptes est en effet arrivé. Le gouvernement s’attend à ce qu’en 2015 quelques 800 000 réfugiés arrivent en Allemagne. Peut-être davantage. Le solde migratoire étant de 500 000 personnes en 2014, on peut imaginer qu’il sera catapulté vers le haut cette année. Le gouvernement a donc pris une série de mesures pour faciliter l’entrée des réfugiés sur le marché du travail, – c’est moins cher et plus efficace que l’assistanat : les demandeurs d’asile pourront notamment demander un emploi trois mois seulement après avoir déposé leur demande d’asile. Une bonne décision quand on sait qu’il faut attendre actuellement en moyenne 6 à 9 mois pour une réponse. La liste des emplois ouverts aux étrangers va être rallongée. Les entreprises elles-aussi s’engagent déjà pour la formation et l’intégration.

Un emploi? Difficile…

Ils viennent d'arriver. Qui, parmi eux, trouvera du travail? Photo EC

Ils viennent d’arriver. Qui, parmi eux, trouvera du travail? Photo EC

Pourtant dans le bus qui m’emmène au centre ville, une conversation que j’entends par hasard me refroidit : « Pour trouver du travail c’est difficile, très difficile, surtout si vous n’avez pas encore tous les papiers, explique d’une voix sonore un homme, qui pourrait être un avocat à son voisin étranger. Il faut que vous alliez à l’Agence pour l’emploi. Mais ils n’auront rien pour vous. C’est en cherchant vous-même, en demandant à des firmes que vous trouverez peut-être, mais au moins vous serez inscrit… » L’homme se donne beaucoup de mal pour expliquer les démarches à faire, précise les adresses des différentes administrations, mais il n’est pas très encourageant.

Visiblement le profil de son voisin, n’entre pas dans la catégorie des qualifications recherchées. Et ce sera bien cela l’obstacle principal à l’intégration, le défi à relever pour l’Allemagne : « Le médecin syrien  n’est pas le cas normal  » a averti la ministre du travail Andrea Nahles devant le Bundestag (le Parlement).

Concurrence des précarités

Après la bataille pour la survie, commence la lutte pour un emploi/ Berlin/photo EC

Après la bataille pour la survie, commencera la lutte pour un emploi/ Berlin/photo EC

Pour les autres, ceux qui sont peu ou pas qualifiés, – le chemin de l’intégration sera long et difficile, – d’autant plus que l’apprentissage de la langue représente un obstacle supplémentaire. Le président du Bureau des Migrations et Réfugiés, (BAMF) a donné quelques précisions – fournies sur une base volontaire, par les réfugiés eux-mêmes : 15% des Syriens ont été à l’université, 16% au lycée et 35% dans une école. Les deux tiers des Syriens sont donc qualifiés. Reste « à ne pas faire d’un biologiste un aide-soignant » a -t-il mis en garde dans une interview au quotidien économique Handelsblatt. Mais les moins qualifiés des réfugies -Syriens ou autres – risquent, eux, d’entrer en concurrence sur le marché du travail avec des publics allemands précaires,  estime le politologue Herfried Münklers de l’université Humboldt de Berlin. Pour permettre la création de nouveaux emplois l’économiste et polémiste Hans-Werner Sinn suggère dans le magazine économique Wirtschaftswoche une solution : baisser le salaire minimum…Le pessimisme du voyageur de mon bus était peut-être tout simplement du réalisme.

copyright elisabeth cadot

 

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