Mais que se passe-t-il ? Le président de la République allemande Joachim Gauck avait pourtant déclaré en mai dernier à l’occasion des 65 ans de la loi Fondamentale, la constitution allemande : „Il existe un nouveau sentiment d’appartenance allemand (Wir), c’est l’unité dans la diversité“. Mais aujourd’hui des dizaines de milliers de citoyens allemands descendent dans la rue – à Dresde notamment – dans des cortèges aux noms bizarres, qui font penser à des salons commerciaux, comme Pegida (Mouvement patriotique contre l’islamisation de l’occident) ou Bogida sa version de Bonn.
Xénophobie sans-gêne
L’ancienne capitale fédérale étant un repaire de salafistes, – on a même eu droit il y a deux ans en décembre 2012 à une tentative d’attentat à la bombe en pleine gare – il n’est pas vraiment étonnant qu’une manifestation anti-islamisme s’y déroule. Sauf qu’en réalité il ne s’agit pas de cela, mais bien plutôt de l’expression de la xénophobie la plus banale – voire consternante. Avec son bouquet de roses rougeâtres à la main, elle n’a pas l’air bien méchante la mamie que je rencontre à la Bogida. Pourtant elle est là en compagnie de costauds portant blouson noir avec l’aigle sur le dos. Lorsque je lui demande pourquoi ces fleurs un peu surprenantes dans une manif, elle me répond : „par amour pour l’Allemagne“. Un peu étonnée, je lui demande des explications : elle me tourne alors ostensiblement le dos, sans me répondre. Je précise que je ne note rien, je n’ai ni micro, ni caméra de TV qui pourrait m’identifier comme journaliste. C’est d’autant plus exact que je suis arrivée là totalement par hasard. Mais mon accent étranger lui déplaît sans doute. A côté d’elle une femme d’une quarantaine d’année, portant un manteau à col de fourrure explique bruyamment à un journaliste « je n’ai rien contre les réfugiés qui fuient la guerre, mais dès que c’est terminé, ils doivent immédiatement repartir » dit-elle en montrant d’un grand geste la direction vers la sortie… Elle est appuyée dans ses dires par un homme d’un certain âge, petit chapeau vert-de-gris sur la tête qui s’épanche lui-aussi devant un micro sur les « réfugiés économiques qui envahissent l’Allemagne. » Autour de nous flottent plusieurs drapeaux allemands Noir-Rouge-Or et même le drapeau de la flotte de guerre de l’armée prussienne… celui-là même que les Nazis ont repris en « l’enjolivant » d’une croix gammée. Bref, belle ambiance
Poussée de fièvre
Il faut tout de même préciser qu’une initiative « Bonn stellt sich quer » (Bonn barre le chemin ) empêche le défilé des Bogidas. On y retrouve die Grünen (les Verts), les Jusos (les jeunes socialistes) , quelques communistes et même… quelques militants des Loups Gris – une organisation turque d’extrême-droite – qui ne restent pas longtemps. Au total un millier de personnes environ face aux 200 manifestants de la Bogida. Ils scandent : « Nazis raus » ou en anglais « welcome refugees »…
Sans doute la transformation de la République fédérale en un pays d’immigration, avec une population hétérogène déstabilise-t-elle de nombreux Allemands notamment ceux qui, comme les habitants de Dresde, ne se sont guère confrontés aux étrangers. Cette poussée de fièvre, discrètement orchestrée par des partis d’extrême-droite, n’est-elle que passagère ? Annonce-t-elle au contraire la montée en puissance d’une extrême-droite xénophobe, comme ailleurs en Europe ? Ce serait fatal pour l’Allemagne menacée par son vieillissement et dont l’avenir économique dépend justement des étrangers !
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quel pays d’Europe y échappe, à cette vague xénophobe ?! l’essentiel est que ça reste marginal, par-delà les provocations et l’agitation qu’elle suscite
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Certes, mais il faut tout de même s’interroger sur l’origine de ces réactions, et de ces peurs. « Il faut toujours comprendre qu’il y a de façon sous-jacente des aspects émotionnels de la vie sociale que parfois les gouvernements ne comprennent pas. Mais il faut faire attention à ces forces émotionnelles » expliquait l’écrivain Wole Soyinka à propos de son pays. Cela vaut pour toutes les sociétés et je crois qu’il a raison
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