Les meilleurs livres en France et en Allemagne : le grand rush des cadeaux de Noël

Inutile d’arriver épuisée, en format burn-out pour la soirée fatidique de Noël! Si vous désirez offrir des livres, c’est dès maintenant qu’il faut passer les commandes, car les ruptures de stock sont possibles. Journaux et magazines l’ont bien compris et ont proposé leurs sélections. À Notices d’Allemagne, nous avons également donné notre choix. Reste une question, recommande-t-on les mêmes ouvrages en France et en Allemagne ?

Photo EC. Des cadeaux par milliers

Du côté allemand, c’est Die Zeit l’hebdomadaire de référence pour milieux lettrés, qui donne le ton : un numéro spécial entièrement consacré aux « 100 meilleurs livres de l’année » (Die 100 besten Bücher des Jahres). Inutile de dire qu’il faut du temps pour parcourir cette publication de 78 pages ! Elle a été préparée avec grand soin, dès la Foire de Francfort qui s’est tenue en octobre dernier et qui a permis aux journalistes de rencontrer des écrivain(e)s comme la Suissesse Dorothée Elmiger (Prix des libraires allemands 2025), l’actrice Judi Dench, la jeune autrice Ricarda Messner… Mais tout de même pour trouver « le » bon livre à offrir ou à se souhaiter, parmi une centaine, c’est une gageure. Comment ne pas s’y perdre ? Alors les journalistes ont eu l’idée d’organiser leur sélection en diverses catégories. Et pas n’importe lesquelles : celles des quatre questions définies par le philosophe Emmanuel Kant : « Que puis-je connaitre ? », « Que dois-je faire ? », « Que m’est-il permis d’espérer ? » et « Qu’est-ce que l’homme ? ». Ces questions, affirmait Kant, couvrent tout le champ de la philosophie : la connaissance, le sens que l’on donne à sa vie, le salut et la condition humaine. Ouhlala… tout ça pour offir un livre ! Il faut dire que pour les Allemands c’est moins impressionnant, cela appartient à leur patrimoine culturel, un peu comme pour les Français le « Je pense, donc je suis », de Descartes. Quoiqu’il en soit, j’ai voulu voir si la littérature française faisait partie de cette sélection et, mieux encore, dans quelle rubrique philosophique les livres français se situeraient. À vrai dire, j’ai eu beau feuilleter, je n’ai trouvé qu’une colonne consacrée à Annie Ernaux dans la première catégorie de Kant, que puis-je connaitre ?

Naissance d’un nouveau prix littéraire allemand

Un peu déçue, j’ai consulté le magazine der Spiegel, qui très classiquement a lui aussi proposé une sélection des « meilleurs livres de l’année » (numéro 48). Dans une longue introduction, l’hebdomadaire d’investigation pose, à juste titre, la question du bien-fondé de ce genre de liste : « Comment être juste avec des styles et des conceptions poétiques complètement opposés ? » Et de citer – puisque nous sommes en Allemagne – le philosophe Theodor W. Adorno qui dans Minima Moralia écrit « les œuvres d’art ne se comparent pas », car elles souhaitent au contraire «la mort de toutes les autres ». Diable ! Dans les faits, les journalistes et critiques littéraires du Spiegel ont non seulement établi une liste des 20 meilleurs livres, mais encore décerné pour la première fois un prix Spiegel : il a été attribué à Rachel Kushner, écrivaine américaine, pour le lac de la création. Le scénario est plutôt amusant : une ex-agente du FBI est chargée d’infiltrer un groupe anarchiste français dans un village du sud-ouest. Rashel Kushner connait très bien ce milieu, car c’est dans cette région française qu’elle réside une partie de l’année depuis 2013. Elle l’explique dans une longue interview que lui consacre l’hebdomadaire, où elle précise que ce lien s’est fait par le philosophe Alain Badiou qui enseignait régulièrement à Los Angeles et était actif dans les cercles étudiants maoïstes à la fin des années 60. Bref, tout un passé, conjugué au présent par cette écrivaine américaine de 57 ans.

Diversité des voix littéraires francaises

Si la France, en tant que pays et inspiration, est donc présente, qu’en est-il de la littérature française ? Eh bien, dans le best-seller du magazine, les livres français s’en sortent plutôt bien :  j’ai compté quatre traductions. À la sixième place,  voici Play Boy de Constance Debré, en place huit, une valeur sure, Yasmina Reza avec Die Rückseite des Lebens (Récits de certains faits), puis à la douzième place Scholastique Mukasonga Sister Deborah et en quatorzième place, le difficile Huris de Kamel Daoud. Ces livres montrent que les journalistes du Spiegel tiennent à faire connaitre à leur lecteur la diversité des voix littéraires en France. Et les éditeurs allemands n’hésitent pas à traduire des ouvrages difficiles.

La place des traductions de l’allemand

Qu’en est -il de la place des livres allemands dans les numéraux spéciaux de Noël francais ? Pour en avoir le cœur net, j’ai consulté le magazine Le Point. Sur la couverture bien en vue, trois rubriques dont :Immobilier et placements à côté de Spécial champagne. Il faut regarder de près pour découvrir en bas de page « Notre palmarès des 30 livres de l’année. » Saluons néanmoins le reportage sur « L’enfer des femmes afghanes » qui occupe presque toute la couverture. Alors, comment a été organisée la sélection des 30 meilleurs livres ? Réponse dans le magazine : « Elle fut rude ». Pas de longues explications comme du côté allemand. Néanmoins il est précisé que les livres déjà primés sont écartés. Le résultat, sur les onze livres traduits proposés, un seul est allemand. Ce n’est pas un roman, mais un essai, intitulé La guerre d’après. La Russie face à l’Occident de Carlo Marsala. Le Point est d’ailleurs très élogieux : « Enfin de la politique fiction troussée par un véritable expert. » Effectivement Carlo Marsala, politologue et professeur à l’université de la Bundeswehr, est un expert reconnu, mais aussi contesté qui intervient beaucoup dans les médias allemands. Ce peu d’appétence pour la découverte culturelle de notre grand voisin se manifeste aussi dans la liste hebdo des meilleures ventes de la FNAC du 17 au 21 novembre où ne figure aucun livre allemand. De même pas de traduction dans le choix des livres de poche recommandés par le magazine Nouvel Obs sous le titre « 10 livres de poche pour compter les jours en attendant Noël ».

La littérature allemande en France à la peine

On le voit, la littérature allemande a du mal à éveiller l’attention des magazines et publications françaises : pourquoi ne figure nulle part Daniel Kehlman et son Jeux de lumière par exemple, paru en février 2025 chez Acte Sud et nommé « livre de l’année » par le New York Times ? L’ancien directeur de l’Institut Goethe de Lyon et Marseille, Joachim Umlauf le déplorait déjà en 2018 dans une interview à la radio Deutschlandfunk „ En ce qui concerne la littérature allemande en France, elle est à peine reconnue. En tout cas les auteurs que nous trouvons vraiment bons, qui sont très en vue chez nous comme Daniel Kehlmann par exemple ou Juli Zeh (Notices d’Allemagne vous en parlait en 2022) sont bien traduits, mais n’atteignent que de très petits tirages. Ce n’est pas toujours le cas pour les auteurs français chez nous, en Allemagne. Par exemple on peut citer le succès de Houellbecq, ou dans un genre plus facile Musso. » Ce déséquilibre n’a guère évolué depuis mais il faut toutefois apporter des nuances : le thriller psychologiqueThérapie de la star allemande du best-seller, Sebastian Fitzeck, est très populaire en France. De même Charlotte Link qualifiée de « reine du suspense psychologique » a pris pied en France au travers de ses 10 romans dont le Poids du passé. Malgré le flot de parutions annuel dans les deux pays, malgré la domination de l’anglais, il existe de nombreuses traductions et de nombreux passages littéraires entre la France et l’Allemagne. Les libraires pourront vous guider. À condition d’avoir un peu de temps et d’éviter le rush de Noël!

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Et puis à Notices d’Allemagne, mes deux ouvrages, qui peuvent aussi trouver leur place dans la hotte du Père Noël :

Silence de mort dans le Golfe, Ed.Bod.fr (Prix 10,99€) Disponible à la FNAC ou sur commande. En Allemagne chez Thalia ou Amazon.

Un polar au goût d’huître bretonne! Au coeur de l’intrigue, deux meurtres en quelques jours dans une famille d’ostréiculteurs. Ce n’est pas banal Surtout dans une région tranquille du Golfe du Morbihan. La commandante de gendarmerie Nathalie Dumoulin est sous pression. Les médias s’impatientent, le procureur aussi. L’affaire fait grand bruit jusqu’à Paris. Au milieu de cet imbroglio, le cœur de la commandante Dumoulin bat la chamade.

Puisqu’il faut partir, Ed. Complicités (2022). En vente dans toutes les librairies et sur les plate-formes numériques (19€)

Ce roman évoque la saga d’une famille franco-allemande les Beck, et notamment le héros Dominik, qui quittent la Lorraine en 1789 et repartent dans leur village allemand d’origine. La révolution est sur leurs talons, les troupes déguenillées des Sans-Culottes, puis celles de Napoléon occupent leur village en Hesse rhénane. Sauront-ils survivre aux tribulations des guerres révolutionnaires, peut-être même tirer quelque profit de cette présence française ? Et quel sera l’horizon des nouvelles générations ? L’émigration est le thème de ce roman, qui, je l’espère saura vous captiver…