Plus que quelques semaines avant Noël. Voilà au moins une perspective réjouissante par les temps inquiétants que nous vivons « Vous croyez… ? » me répond dans un gros soupir une jeune femme, secrétaire médicale dans un cabinet ophtalmologique qui ne désemplit pas. Elle garde toujours le sourire, mais on peut sans effort imaginer sa fatigue. Or Noël, c’est pour les femmes (et parfois les hommes) et en particulier en Allemagne un marathon.
En Allemagne, le concept de « naturel » a une haute valeur ajoutée. Lorsque l’on offre des fleurs par exemple, il ne faut surtout pas tendre le bouquet dans son papier, mais le retirer pour donner l’impression que les fleurs ont été fraichement cueillies dans le jardin. Même si personne n’est dupe. En cuisine, c’est un peu la même chose au moment de Noël. Bien sûr on trouve tout ce qu’il faut dans les supermarchés. Mais rien ne vaut le « fait maison ». Cela commence avec les Plätzchen : ce sont ces petits gâteaux de Noël traditionnellement réalisés avec les enfants, voir les petits enfants. C’est très gai, facile à réaliser mais demande de l’organisation. Et les mamans sont priées de s’y prendre à temps. C’est un peu la honte si quelques-uns des grands classiques comme les Zimtsterne (étoiles à la cannelle), les Butterplätzchen (Plätzchen au beurre) ou les Vanillekipferl (biscuits à la vanille) n’accompagnent pas le temps de l’Avent ! A cela s’ajoutent des biscuits de Noël traditionnels comme les Lebkuchen (pains d’épice), les meilleurs étant les Elisenlebkuchen à la pâte légère sans farine, les Spekulatius (une variété de spéculoos) et les Pfeffernüsse (biscuits au poivre). Ces derniers auraient d’ailleurs été inventés par des nonnes au douzième siècle. A l’époque le poivre désignait toutes les épices. En général, ce genre de biscuits ne se fait pas à la maison. Ils envahissent les rayons des magasins. Mais les plus courageux.ses pourront se lancer dans la fabrication d’un gâteau que l’on déguste dès le début de l’Avent : le Stollen, un pain ou brioche à la levure enrichie de fruits secs, de zestes d’agrumes confits, de noix et d’épices. Il en existe de nombreuses variétés, comme le Butterstollen (Stollen au beurre) ou le Marzipanstollen (au massepain) et le classique Rosinen Stollen (Stollen aux raisins secs). Cette pâtisserie est recouverte d’un nuage de sucre glacé pour évoquer la neige de Noël. Personnellement, je le trouve un peu trop sucré, mais il paraît que le Dresdner Christstollen (Stollen de Dresde), réalisé à la maison est incomparable, ni trop sec, ni trop sucré justement. Je joins un lien avec des recettes en bas de page. N’hesitez pas à vous lancer et explorer d’autres saveur. Il existe aussi un Christstollen végan. Juste pour le plaisir de l’histoire : la ville de Dresde a obtenu un monopole sur cette pâtisserie en … 1648 ! Rappelons aussi que c’est à Dresde, la Florence du nord, que se trouve le plus ancien marché de Noël. En 2010, l’Union européenne a reconnu les qualités distinctives du Dresdner Christollen en lui accordant l’indication géographique protégée (IGP).
Calendrier de l’Avent pour tous les goûts
Mais une fois tous ces préparatifs culinaires, plus ou moins organisés, le marathon est loin d’être terminé. Il reste encore – et c’est presqu’aussi important, le décor. Le calendrier décoré doit être prêt pour le démarrage du temps de l’Avent, le quatrième dimanche précédent Noël. Comme le dit une fabricante de produit de beauté sur sa page internet « Mon calendrier préféré c’est celui que faisait ma mère. Elle le remplissait chaque jour avec une petite surprise ». C’est aussi un souvenir de mon enfance. Et cela se limitait au chocolat. Sauf qu’aujourd’hui le commerce en a rajouté : on trouve des calendriers de toute sorte, y compris avec chaussettes ou produits de beauté de marque pour 500€ ! Il est d’ailleurs intéressant de noter l’imaginaire auquel ils font référence : des traîneaux dans la neige, des rennes ou des pères Noël encapuchonnés. Bref, une référence au froid et à la neige, alors qu’elle disparaît peu à peu complètement à la date de Noël. Nos enfants et petits-enfants y verront de la magie. D’ailleurs, de nombreuses familles allemandes préfèrent le naturel, un simple calendrier en tissu rouge dont les petites poches qui symbolisent chaque jour de l’Avent cachent des friandises ou petits jouets. C’est la tradition d’origine. C’est moins clinquant que les calendriers du commerce, plus personnel et … moins cher.
La lumière des bougies pour pallier le noir de décembre
Autre tradition germanique, pour préparer Noël, les quatre bougies que l’on allume, au fur et à mesure des quatre dimanches de l’Avent. Elles symbolisent l’attente et l’espérance et sont présentées en général sur des couronnes réalisées par soi-même avec des branchages de conifère, du lierre et ornées de houx ou de pommes de pin. Bref, tout ce que l’on peut théoriquement trouver dans la nature, en forêt. Les couronnes de l’Avent décorent aussi les portes d’entrée. Bien entendu,toutes les mères – ou pères – n’ont pas le temps de se livrer à ce genre d’activité manuelle. Alors heureusement, même si les symboles en prennent un coup, le commerce est là pour nous sauver !
Le sapin, l’arbre toujours vert
Et puis vient aussi le temps du sapin ! Le lequel choisir : artificiel, en pot, ou fraichement abattu ? S’il doit être naturel, il ne faut pas s’y prendre trop tard, sinon on se retrouve devant des exemplaires chétifs et mal fichus. Cette tradition est une survivance de rites païens qui célébraient le solstice d’hiver (le 21 décembre en 2025), il s’agissait alors simplement de sarments de sapin toujours vert que la tradition chrétienne a repris et transformé. C’est en Alsace au XVIe siècle, – on cite des marchands de sapin de Noël à Strasbourg en 1535-, que le sapin de Noël est apparu en tant que tel. Il s’est ensuite répandu dans le sud-ouest de l’Allemagne. On en trouve aussi trace à Brême dans le nord, mais c’est à partir du XVIIIe siècle seulement qu’on y accroche des bougies et cela seulement dans les foyers protestants. En fait, c’est face à l’invasion de Napoléon que le sapin de Noël prend une signification patriotique et s’étend à toute l’Allemagne. Á travers l’émigration allemande, cette coutume s’est également répandue aux Etats-Unis.
Vite, des cadeaux
Voilà pour le cadre, il reste maintenant dans ce marathon, l’essentiel, les cadeaux ! Rappelons-le, cette tradition renvoie aux présents des Rois mages à l’Enfant Jésus. Lesquels Rois mages n’auraient peut-être même pas existé, nous expliquent des historiens rabat-joie ! Quoiqu’il en soit, les Allemands ont dépensé 533€ par personne en 2024 mais ce chiffre fait figure de record. Cette année, ils envisagent plutôt de dépenser 263€ pour les cadeaux. Les jouets, les bons d’achat, les livres, ainsi que les produits de beauté sont parmi les cadeaux préférés des Allemands d’après une étude de l’université professionnelle FOM. Sans oublier bien sûr les smartphones. Les femmes achètent leurs cadeaux plus tôt que les hommes en octobre-novembre. Les hommes juste avant Noël.
Dîner de Réveillon frugal, goûter crémeux
Le marathon ne s’arrête pas le soir de Noël, mais les Allemands avec leur sens pratique se simplifient un peu la vie. On dîne tôt, vers sept heures du soir environ. Et traditionnellement le réveillon se réduit à la plus simple expression : une salade de pommes de terre avec des saucisses de Francfort ! Non, ce n’est pas une blague. Le grand moment, mis en scène d’ailleurs avec clochette pour annoncer aux enfants que tout est prêt, c’est l’ouverture des cadeaux sous le sapin, installés dans le plus grand secret. Mais le lendemain, je vous rassure, se déroule en général à midi un généreux déjeuner en famille. Et le 26, le deuxième jour de Noël, férié aussi, tout le monde se retrouve cette fois dans la famille élargie pour le Kaffee und Kuchen, l’heure du café et des gâteaux, eux aussi bien sûr, fabriqués à la maison, forêt-noire (Schwarzwäler Kirschtorte), tarte au fromage blanc (Käsekuchen), tarte aux noix ou aux fruits, accompagnées de crème fouettée. Inoubliable!
Pour aller plus loin :
Explication et recette du gâteau Stollen en français sur toque de chef. Histoire du Stollen en allemand de la ville de Dresde
Et comme idée de cadeau de Noël :
Silence de mort dans le Golfe En vente chez tous les libraires sur commande, y compris à la FNAC ou chez Thalia. Et sur les plate-formes numériques Amazon, Kobo, librairie Bod.fr (Prix 10,99€)
Rien de mieux qu’un polar pour découvrir la Bretagne, terre de secrets ! Deux meurtres en quelques jours dans une famille d’ostréiculteurs : ce n’est pas banal. Surtout dans une région tranquille du Golfe du Morbihan. La commandante de gendarmerie Nathalie Dumoulin est sous pression. Les médias s’impatientent, le procureur aussi. L’affaire fait grand bruit jusqu’à Paris. Au milieu de cet imbroglio, le cœur de la commandante Dumoulin bat la chamade tandis qu’à la gendarmerie les rivalités éclatent. Saura-t -elle s’affirmer ? Elle en doute parfois mais on aurait tort de la sous-estimer.
Puisqu’il faut partir, Ed. Complicités (2022). En vente dans toutes les librairies et sur les plate-formes numériques (19€)
Ce roman évoque la saga d’une famille franco-allemande les Beck, et notamment le héros Dominik, qui quittent la Lorraine en 1789 et repartent dans leur village allemand d’origine. La révolution est sur leurs talons, les troupes déguenillées des Sans-Culottes, puis celles de Napoléon occupent leur village en Hesse rhénane. Sauront-ils survivre aux tribulations des guerres révolutionnaires, peut-être même tirer quelque profit de cette présence française ? Et quel sera l’horizon des nouvelles générations ? L’émigration est le thème de ce roman, qui, je l’espère saura vous captiver…


