Que fait un auteur ou une autrice pour nourrir son imaginaire ou donner des ailes à sa création ? L’une des réponses simples est : lire. Mon été a été entouré de livres. Et parmi ceux-ci, deux ouvrages qui, comme mon premier roman policier Silence de mort dans le Golfe, évoquent des crimes. Ils sont signés par Stephen King et Danielle Steel, deux auteurs à succès. Comment mettent-ils en scène cet évènement ? Vous allez le voir, les recettes sont différentes.
Commençons par un maître incontesté, l’écrivain américain Stephen King. Une véritable machine à créer malgré des débuts très difficiles qui l’ont conduit à son addiction à l’alcool. On ne compte plus ses récompenses et pour couronner sa carrière il a même reçu en 2015 des mains du président américain Barack Obama la National Medal of Arts. La spécialité de King, c’est plutôt l’horreur, mais il prouve avec l’un de ses derniers romans Billy Summers en poche (10,90€) qu’il peut fort bien se dispenser de cette épice. La construction du roman est intéressante : le premier tiers de cet ouvrage-pavé de 722 pages (Édition poche), est consacré certes à la préparation du crime, mais surtout à la planification minutieuse de la cavale du futur assassin. Le tueur à gages est un virtuose de la gâchette, un ancien tireur d’élite des marines. Le meurtre en lui-même ne lui pose pas de problème. Il n’a pas de difficulté à viser et toucher à plus de 200 mètres (de distance) la victime Joe Allen. Une victime dont on ne sait rien d’ailleurs sinon que c’est un « méchant » pour employer la terminologie du tueur. J’avoue que j’ai trouvé cette partie un peu lente, « masculine » dans le mauvais sens du terme. Elle est peuplée de truands qui consacrent leur temps à ourdir de sombres complots sur fond de corruption immobilière et ne pensent qu’à la violence pour les dénouer.
Fusion entre fiction et réalité
Et puis le coup de feu arrive, la victime s’écroule et le roman s’emballe. Or coïncidence étrange, c’est à ce moment-là de ma lecture que l’actualité a fait irruption : le coup de feu qui tue le politicien Charlie Kirk. Le choc. Un assassinat perpétré à grande distance. C’est une étrange sensation que cette fusion entre fiction et réalité, comme si deux mondes parallèles se rejoignaient un court instant pour se séparer à nouveau. Car, tandis que dans la réalité l’assassin est très vite arrêté, le tueur imaginé par Stephen King réussit, lui, à s’enfuir. C’est aussi dans cet espace que se séparent la créativité de l’écrivain et la réalité tragique. La partie minutieuse et un peu lente de préparation de l’après-assassinat, à la lumière de ce fait divers violent, a pris soudain toute son importance !
Choc entre fiction et réalité
La différence entre réalité et fiction s’accroit encore dans la deuxième partie du roman : Stephen King illumine son roman grâce à un personnage féminin, Alice, qui entre en scène juste après le crime, à la page 346. Alice a été violée sauvagement, mais sa fraicheur et sa tendresse émeuvent au milieu de cet univers noir. On aurait même l’impression qu’elle transforme le tueur à gages en un type au grand cœur. Cela pourrait être kitch, mais cela ne l’est guère, car de motels minables en motels minables, dans leur cavale à deux, on découvre l’Amérique des déclassés. Stephen King respecte le code moral : le tueur qui agit comme un justicier sera finalement abattu par la mère d’une des victimes « collatérales ». Et c’est Alice, la victime, qui survit et clôt ce roman sur une note d’espoir.
Une forcenée de l’écriture
La victime comme héroïne, c’est aussi le parti pris de Danielle Steel dans son roman Malveillance. J’avoue que je ne connaissais pas cette autrice. Et pourtant, quelle femme ! Avec « plus d’un demi-milliard d’exemplaires vendus dans 69 pays et traduits en 43 langues, Danielle Steel est l’autrice la plus lue et la plus populaire au monde », explique Wikipédia… C’est en piochant au hasard d’une boîte à livre que j’ai trouvé ce roman. Donc gratuitement. Commentaire assez méprisant d’une passante qui piochait elle aussi : « C’est des romans à l’eau de rose : aucun intérêt. » Il n’en fallait pas plus pour que je vérifie. Et là, surprise. La construction du roman est réussie, du moins dans sa première partie. Car Danielle Steel met en scène avec moult détails la victime qui est l’auteur du meurtre. Résumons : le roman s’ouvre avec la scène d’enterrement de Ellen Adams, autrefois enseignante, la mère de Grâce. On note très vite l’amour que cette dernière portait à sa mère, mais aussi – et peut-être surtout – son dévouement filial. Le père, « honnête, loyal et brillant », avocat de renom, notable de Wedgwood, « une petite ville peuplée de braves gens » semble inconsolable. Mais par petites touches, Danielle Steel nous fait entrevoir que le père est très critique vis-à-vis de sa fille et la nuit arrivant, alors qu’ils se retrouvent seuls dans la maison, tout bascule dans une scène d’inceste horrifique et violente dont est victime la jeune Grâce. Elle se débat, prend le révolver dans la table de nuit pour menacer son père qui est sur elle, sauf que le coup part. Il meurt. On apprendra par la suite que l’inceste dure depuis des années avec la complicité de la mère, battue à mort par cet homme pervers et très violent. À partir de ce meurtre qui est même un parricide, Danielle Steel déroule son roman avec un certain brio : personne ne croit à la version de Grâce, la légitime défense n’est pas invoquée, car elle se sent elle-même coupable et ne veut pas salir la mémoire de ses parents en révélant la vérité. De toute manière, on ne la croit pas. Elle se retrouve donc en prison, ce qui donne à Danielle Steel l’occasion de descriptions très fortes sur l’univers carcéral au féminin. Le dernier tiers du roman est moins convaincant, les clichés s’accumulant. Grâce tend à devenir la mère parfaite, accompagnée par un mari compréhensif, riche et puissant et très amoureux.
Dénonciation de l’inceste paternel
Mais au bout du compte, je ne peux que saluer le courage de cette autrice. Car elle n’a pas hésité dès 1996 à dénoncer de manière très explicite la pratique de l’inceste paternel, la complicité de la mère soumise et elle-même violentée. On s’attache au personnage de Grâce, jeune fille isolée dans son malheur et que la société des « braves gens » condamne et poursuit sans chercher à comprendre. Rappelons que le mouvement Metoo ne démarre vraiment qu’à partir de 2017. Bref, c’est un roman qui ne laisse pas indifférent et qui doit beaucoup à la finesse psychologique des personnages et l’analyse sans fard de la société américaine dans sa violence.
Une trame classique
Quant à mon roman, Silence de mort dans le Golfe, il s’inscrit, lui, plutôt dans une tradition classique, celle d’Agatha Christie, de Conan Doyle ou Fred Vargas (par exemple La dalle) : un crime a lieu et c’est le début de l’intrigue. Les pistes se multiplient, les crimes parfois aussi. Et l’enquêteur(trice) est le personnage principal auquel on s’accroche pour trouver le fil d’Ariane qui mène à l’assassin.
Toutes ces variations montrent la richesse de l’inspiration romanesque. La lecture ouvre des portes, pas seulement pour les autrices ou auteurs. Comme une reproduction en 3D, elle permet d’analyser des phénomènes sous différents aspects. Il existe même, paraît-il, des techniques bibliothérapeutiques pour redonner du souffle à l’élan créatif ! Entre les chaines de livres, les boîtes à livres, la seconde main ou les médiathèques, le livre est de nos jours à portée de toutes les bourses. Il peut consoler, inspirer, faire rêver ou réfléchir… Profitez-en !
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