Lectures estivales pour un été réussi, mes coups de cœur

L’été c’est le temps de l’évasion. Touristes ou baroudeurs, sac en bandoulière et sandales ou sneakers au pied, le monde leur appartient. Mais il y a bien d’autres moyens d’évasion, la littérature par exemple. Vous cherchez de l’inconnu ? Ouvrez un livre, il colorera vos vacances, leur donnera un parfum particulier, une ambiance inoubliable. Mais comment s’y retrouver dans la masse des publications ! Voici mon choix très personnel, un menu littéraire estival : un roman classique, deux policiers et un récit de voyage, des ouvrages qui vous emmèneront du nord de l’Allemagne à la Bretagne en passant par le Groenland et l’Iran.

Lübeck greniers à sel -© Photo de Peggychoucair sur Pixabay

Pour commencer, un classique de poids, pour les plus courageux : les Buddenbrooks de Thomas Mann qui fait environ 800 pages! Je ne suis pas sûre que beaucoup de Français aient lu cet ouvrage, et pourtant c’est c’est un des grands romans de la littérature européenne. Il lui a valu le Prix Nobel en 1929. L’écrivain allemand nous emmène au nord de son pays, à Lübeck prospère cité de la Hanse, cette alliance commerciale qui permettait d’échanger des marchandises comme le sel ou le hareng avec Novgorod en Russie.  Et nous voilà ailleurs…C’est là, dans sa ville natale, que Thomas Mann situe son œuvre – sans pour autant jamais la nommer – et y peint la décadence d’une grande famille de négociants, les Buddenbrooks. Thomas Mann est un fanatique du détail, ce qui je l’avoue me lasse un peu mais un élément m’amuse : le texte est truffé d’expression française. Dès la deuxième ligne du roman on lit, après une expression en dialecte allemand du nord : « C’est la question, ma très chère demoiselle!  » Puis suit plusieurs « Mon vieux, Tiens, Charmant, Assez… » et parlant du père du Consul, le héros, on apprend dès la page douze du roman qu’il ne parlait « que français et dialecte allemand du nord ». On découvre aussi sur le secrétaire « un encrier luxueux en porcelaine de Sèvres. » Bref, en quelques phrases de dialogue et la description d’un objet, Thomas Mann nous fait comprendre que la famille Buddenbrooks appartient à un milieu quasi aristocratique de la ville. Le français est à l’époque un marqueur de l’élite, tout autant que les « assiettes en (porcelaine) de Meissen agrémentées d’un liseré doré… » Mais les descriptions minutieuses qui nous plongent dans l’ambiance de cette famille, ont provoqué à l’époque l’ire des citoyens de Lübeck : les habitants ont en effet cru reconnaitre leurs rues, leurs maisons et les personnages du livre! Ils ont traité cet ouvrage comme un roman à clé, de surcroît peu flatteur pour eux et, furieux, ont mis l’écrivain au ban de sa propre ville.  De son côté Thomas Mann s’est mis en colère en découvrant que les bourgeois de Lübeck se servaient de son ouvrage comme d’une sorte de guide touristique et n’avaient pas compris la dimension artistique de son œuvre. A vingt-cinq ans ans, l’âge de toutes les audaces et des questionnements, mal dans sa peau, ultra-sensible, il a en effet produit un chef-d’œuvre en mettant en scène le lien entre le raffinement, mais surtout la décadence et les faux-semblants de cette bourgeoisie fin de siècle dont le déclassement est pathétique. Avec une précision d’entomologiste, il expose dans son roman le matérialisme de ce milieu qui l’oppresse. Le temps a passé. Lübeck a finalement reconnu le talent de Thomas Mann et l’a fait citoyen d’honneur. Le commerce avec la Russie n’existe plus, mais si vous voulez découvrir Lübeck au 19ème siècle, racontée par un grand écrivain dont on célèbre les 150 ans cette année, ce roman de Thomas Mann est pour vous.

Coeur de glace

Après ce grand classique, je n’hésite pas :  plongez donc dans une atmosphère glacée, avec un livre d’un tout autre genre, un roman policier. Son titre : Projet Iceworm de Simon Mockler (Ed.Belfond). Pour être honnête, cet ouvrage ne m’a pas séduite de prime abord. Le pitch n’est pas très encourageant, jugez-en vous-même : « Trois soldats américains se trouvent piégés dans l’incendie d’une base nucléaire secrète au Groenland. Un seul survit, brûlé sur la quasi-intégralité du corps… » expose la couverture du livre. Par les temps qui courent, faut-il encore ajouter une dose d’atrocités aux nouvelles actuelles, me suis-je demandé. Et puis la curiosité l’a emporté et je ne le regrette pas, d’autant que le Groenland a surgi tout à coup au-devant de la scène internationale ! Comme dans tout bon polar, le décor est d’une saisissante réalité. L’auteur fait parcourir à ses personnages d’immenses galeries de glace souterraines, souvent dans l’obscurité, à l’extérieur, vibrent les tempêtes de neige déchaînées et par contraste un silence de plomb s’abat dès que l’on ferme la porte de cet antre. Camp Century, c’est son nom, est complètement isolé. La base aérienne la plus proche, celle de Thulé, se situe à 200km. L’auteur joue avec brio avec nos angoisses de claustrophobie, son livre est une projection idéale pour évacuer nos propres peurs. Par contraste en surface, à New York, la CIA manigance ses coups et manipule son détective, un psychiatre. Lui est à la fois dedans et dehors. Une belle métaphore ! Sur une solide construction dramatique, Simon Mockler, tisse un thriller psychologique haletant. Pour ma part, je trouve que la fin prend en un peu trop des allures de grand guignol ou de James Bond… Mais cela ne gâche pas le plaisir. L’intérêt de ce polar, outre son intrigue très bien menée, est de faire ressurgir la guerre froide avec le projet secret Iceworm qui prévoyait l’installation d’un arsenal de missiles nucléaires américains destinés à attaquer la Russie en passant au-dessus du pôle nord. Le projet a été abandonné en 1966. Dégustez donc ce polar, avec un cocktail coloré et …glacé bien sûr !

Un roman road movie iranien

Changeons d’atmosphère, direction le Proche-Orient : cette fois-ci nous chaussons vraiment nos chaussures de baroudeur avec un livre inspirant L’usure d’un monde, traversée de l’Iran de François-Henri Désérable. Pour ceux qui ne connaissent pas l’ouvrage culte de Nicolas Bouvier, l’usage du Monde, c’est peut-être aussi l’occasion de le découvrir. Car cette traversée de l’Iran (Folio)de seulement cent soixante-treize pages est un hommage à ce livre qui sert d’inspiration à l’auteur. En réalité Désérable n’a  pas besoin de référence. Son récit courageux et plein de finesse d’un voyage en Iran, se suffit à lui seul. C’est une sorte de road movie à travers le pays des mollahs où le courage des femmes est porteur d’espoir : celui de la liberté. Le livre s’ouvre sur la mise en garde silencieuse de la réceptionniste de son hôtel où Saied un Iranien trop sympathique et curieux lui propose de partager son repas. Un espion de la police secrète à n’en pas douter. L’écrivain touriste vient à peine de débarquer à Téhéran. Il est encore naïf et croit qu’il a affaire à un Iranien à l’hospitalité légendaire et pense que la jeune réceptionniste est tombée amoureuse de lui, car elle essaye d’attirer son attention. En fait, elle lui glisse un papier avec l’avertissement. François-Henri Désérable raconte cet épisode avec beaucoup d’auto-ironie, une qualité qui ne l’abandonne pas tout au long de cet ouvrage, et ce malgré le danger omniprésent d’être arrêté. Le livre s’achève en hommage à Firouzeh, une jeune étudiante iranienne dont il a fait la connaissance et qui n’hésite pas à défier les mollahs. Du haut d’une colline, elle hurle par exemple : « Mort au dictateur ! Et merde aux mollahs ! Et Femme, Vie, Liberté ! » une vidéo qu’elle veut poster sur Instagram. C’est elle l’héroïne véritable de ce récit. La prison la menace, elle le sait, alors elle apprend par cœur le plus de poèmes possibles, pour pouvoir, si elle se fait arrêter, torturer, humilier ou même violer, se les réciter « en attendant la mort, ou peut-être, enfin, la liberté ». C’est à pleurer, mais cela vaut d’y consacrer un peu de notre attention au cœur de notre farniente tranquille.

Le Golfe et ses secrets

Et pour terminer un polar à nouveau, le genre incontournable des vacances. Avec une très bonne nouvelle : Silence mort dans le Golfe, signé de ma plume et que vous pouvez d’ores et déjà acheter en format numérique, sort bientôt en version papier. Bien sûr vous serez les premiers informés de la date précise de la parution ! Peut-être avez-vous admiré les images de la Semaine du Golfe où plus d’un millier d’embarcations aux voiles pointues comme les clochers des chapelles morbihannaises, parfois aussi larges et puissantes, ont défilé fièrement sur les eaux bleu-gris du Golfe. Un décor de carte postale, avec en prime la présence d’un Pen Duick, le mythique voilier du marin breton Eric Tabarly. Mais le Golfe recèle aussi des secrets plus profonds et des silences intimes que des meurtres viennent bouleverser.  C’est la trame de mon roman policier dans lequel se débat une commandante de gendarmerie, Nathalie Dumoulin. Elle doit affronter un mur de non-dits, de honte et d’âpreté pour résoudre l’énigme de deux crimes dans une même famille. Va-t-elle y parvenir ? Dans quelques semaines, à temps pour les vacances, le polar sera disponible dans toutes les bonnes librairies…

© EC

Vous pouvz également choisir mon roman historique pour agrémenter vos vacances :

Puisqu’il faut partir (Ed.Complicités). En vente dans toutes les librairies, y compris FNAC et Amazon (Prix 19€) et sur le site des Editions Complicités.

Ce roman évoque la saga d’une famille franco-allemande les Beck, et notamment le héros Dominik, qui quittent la Lorraine en 1789 et repartent dans leur village allemand d’origine. La révolution est sur leurs talons, les troupes déguenillées des Sans-Culottes, puis celles de Napoléon occupenteur village en Hesse rhénane. Sauront-ils survivre aux tribulations des guerres révolutionnaires, peut-être même tirer quelque profit de cette présence française ? Et quel sera l’horizon des nouvelles générations ? L’émigration est le thème de ce roman, qui, je l’espère saura vous captiver…