Les évènements avancent à une cadence stupéfiante, et pour l’instant on ne peut pas dire que l’on voit beaucoup de lumière dans le chaos actuel. Les solutions pour ne pas avoir le tournis oscillent entre deux pôles : ne plus s’informer et l’on perd le fil de l’Histoire ou suivre l’actualité et l’on risque de s’y noyer. L’entretien téléphonique entre Poutine et Trump, le vote de l’Allemagne pour un effort d’investissement et de défense de plusieurs milliards d’euros sous la houlette d’un futur chancelier qui se désavoue lui-même et fait exactement le contraire de ses déclarations de campagne électorale, un autocrate turc qui à trois jours des élections met en prison son concurrent en narguant ainsi ses électeurs… deux astronautes sauvés grâce à la firme d’un entrepreneur génial devenu le Méphisto de la politique américaine et l’éternelle horreur entre Israéliens et Palestiniens. Chaque jour, chaque heure apporte son lot de nouvelles affolantes.
On aurait bien envie de prendre le titre du roman policier de Raymond Chandler Les ennuis c’est mon problème (Trouble is my business), pour qualifier le métier de journaliste en ces temps troublés. C’est vrai, les bonnes nouvelles ne font pas des nouvelles, comme le cliché le veut. Mais aujourd’hui il s’agit d’une autre dimension. Où sont les repères ? Un philosophe rappelait lors d’une émission de radio le danger que nous fait courir la dissuasion par les armes nucléaires par exemple. Une menace nucléaire que les Russes ont d’ailleurs plusieurs fois agitée vis-à-vis de l’Ukraine en parlant de lignes rouges à ne pas franchir. Bluff ou pas ? D’après ce que l’on dit, ce serait les Chinois qui les auraient freinés. Grand merci à eux, si c’est exact. Mais le philosophe argumentait en en évoquant un autre paramètre : l’erreur. La simple et bête erreur qui pourrait déclencher le feu nucléaire dans un moment de tension entre ses détenteurs.
Un homme simple aux nerfs d’acier
Comme pour illustrer ce propos, une écrivaine et journaliste allemande, Ingeborg Jacobs, vient de faire paraître un livre intitulé : Stanislav Petrov, l’homme qui a empêché la guerre nucléaire. (Stanislaw Petrow, der Mann der den Atomkrieg verhinderte. Westend Verlag). L’histoire de Petrov illustre parfaitement le propos du philosophe. L’homme a été oublié jusque dans les années 2014 où un film dano-américano-russo-letton signé Peter Anthony et intitulé The Man Who saved the World (L’homme qui sauva le monde) avec Kevin Costner, l’a sorti de l’ombre. Ombre où il est plutôt retombé jusqu’à sa mort très discrète en 2017 près de Moscou. Beaucoup d’entre nous, dont je fais partie, n’ont sans doute jamais entendu parler de lui. Et pourtant !
Il a sauvé notre monde
Nous sommes en pleine guerre froide. Le 26 septembre 1983, le lieutenant-colonel Sanislaw Petrow est en poste dans un bunker secret de surveillance des missiles, non loin de Moscou. Il doit observer l’espace aérien soviétique à l’aide d’informations satellitaires qui parviennent sur ses moniteurs. Il est un peu plus de minuit lorsque la sirène d’alerte se déclenche et sur un screen de son écran il voit que cinq missiles intercontinentaux américains sont en route vers l’Union soviétique. La réponse doit être immédiate. Une scène digne d’un des pires thrillers. « La sirène a hurlé, mais je suis resté assis pendant quelques secondes, fixant le grand écran rouge rétroéclairé sur lequel figurait le mot « lancement, LAUNCH » », a-t-il déclaré au service russe de la BBC en 2013, cité par le Guardian. « Tout ce que j’avais à faire, c’était d’attraper le téléphone et d’ouvrir la ligne directe avec nos commandants. » Seulement voilà, Stanislav Petrov qui n’a que quelques secondes de réflexion pour permettre de déclencher ou non la riposte nucléaire a participé et conçu le système d’alerte Okas. Il sait qu’il n’est pas tout à fait fiable. Et il a du sang-froid : il se dit que si les Américains voulaient attaquer l’URSS, ils n’enverraient pas cinq missiles seuls. Et il décide donc – contre les instructions – de ne pas transmettre l’alarme. On imagine la transgression ! Il a sauvé l’humanité. « En fait, il ne voulait pas s’opposer à la hiérarchie militaire, » explique l’auteure Ingeborg Jacobs qui l’a rencontré deux fois : « Il voulait seulement être le meilleur dans son domaine et ne transmettre l’information que s’il en était absolument certain » explique-t-elle lors d’une interview à la radio allemande DLf du 18 février 2025. On apprendra plus tard que le système d’alerte avait confondu le reflet du soleil et un nuage avec un missile !
Réarmement massif
Nous n’en sommes pas encore là. Américains et Russes semblent pour l’instant les meilleurs amis du monde. Pour autant, la guerre se poursuit en Ukraine et la sécurité de notre propre continent semble menacée. À Berlin, les partis démocrates CDU (conservateurs), SPD (sociaux-démocrates) et Verts ont voté pour un réarmement massif de l’Allemagne. C’est un véritable changement d’ère, le fameux Zeitenwende. Le prochain chancelier Friedrich Merz a promis d’accélérer cette transformation. Comment ? Et quel partenariat avec Paris ? A ce sujet :
Notices d’Allemagne vous propose dès lundi une interview avec le député représentant les Français d’Allemagne, d’Europe centrale et des Balkans Frédéric Petit qui revient d’Ukraine.
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