Le soleil comme atout. Et le vent comme allié. Les Allemands y croient et s’emploient à leur développement. Cette fée électrique verte devrait également favoriser le développement de l’hydrogène. Certes l’éolien terrestre a suscité des levées de bouclier en Bavière, mais rien à voir avec le déversement de haine que l’on connait en France. D’ici 2030, 80% de l’électricité produite en Allemagne doit provenir de renouvelables.
Ecouter l’article en audio

Il suffit de lever le nez en sortant de chez soi ou de regarder par la fenêtre du train lors d’un voyage à travers l’Allemagne : partout, même dans la campagne la plus vide, le bleu glacé des panneaux solaires apparaît. Sur les toits des particuliers mais aussi des granges, des parkings, des grandes surfaces. L’énergie solaire a le vent en poupe. Il fut un temps où des personnages assez flamboyants fondaient en Allemagne des firmes aux noms euphoriques comme Solar world, le monde du soleil. De son côté, le gouvernement de coalition rouge -vert du chancelier Schröder lançait en 2000 un programme ambitieux, intitulé 100 000 toits solaires (100 000-Dächer-Programm) et renforçait la loi de subvention aux énergies renouvelables (EEG -Erneuerbare-Energien-Gesetz) pour favoriser l’essor d’une nouvelle industrie. Certes l’investissement était cher mais l’Allemagne se voyait en futur leader dans ce domaine ! C’était sans compter avec les Chinois : panneaux solaires plus simples – et écologiquement moins sûrs d’ailleurs -, subventions massives des capacités de production, fabrication à très grande échelle, les prix des panneaux solaires s’effondrent à partir de 2008, les petits producteurs allemands ne font pas le poids. Le solaire devient chinois. Le nouveau monde sera asiatique.
Le solaire pour l’avenir
Mais l’Histoire, on le sait, est rusée. Et la guerre en Ukraine ainsi que la crise climatique ont agi comme des accélérateurs : désormais l’Allemagne prend son indépendance énergétique à cœur. Le très sérieux Frauenhofer Institut estime aujourd’hui que la baisse générale du prix de fabrication des panneaux solaires ainsi que la lenteur et la cherté du transport depuis l’Asie devrait permettre une remontée en puissance de l’industrie solaire allemande. Pour l’instant néanmoins de nombreux composants sont encore fabriqués en Chine.
En attendant la fameuse loi EEG vient d’être remaniée : elle affiche un objectif de 80% d’électricité renouvelable en Allemagne d’ici 2030, c’est très ambitieux même si l’on en est à 50% déjà. La part du solaire représente 12%, soit à peu près la production de 5 centrales nucléaires de taille moyenne et cela dans un pays qui n’est pas particulièrement gâté par l’ensoleillement. Mais le saut vers le futur prévu est considérable : il faudra ajouter 200 GW à la capacité actuelle de production. On en est loin. (1) Et cela va couter très cher.
L’envol de l’éolien…en mer
Et le vent ? Il s’agit d’un autre ordre de grandeur. L’éolien fournit déjà à l’Allemagne un quart de sa production électrique. Ce qui représente à peu près la production de 12 centrales nucléaires. Mais le gouvernement allemand veut aller plus loin avec un concept qui paraît simple : relier entre eux les réseaux des pays producteurs d’éolien en mer. Les Allemands en sont convaincus, cette énergie va devenir la colonne vertébrale de la production électrique européenne. Or jusqu’ici en effet, c’est chacun pour soi. Alors pour mieux rentabiliser et exploiter cette ressource, c’est à dire tout simplement le vent, des industriels et le ministère de l’économie ont lancé un premier projet censé relier le Danemark, les Pays-Bas et l’Allemagne grâce à des plaques tournantes en mer, sorte de relais de transmission. L’île de Bornholm, en mer Baltique, pourrait devenir une de ces plaques tournantes, d’après les informations du journal économique Handelsblatt. Elle permettrait de relier l’Allemagne et le Danemark. Ce concept pourrait s’appliquer non seulement à la Baltique ou à la mer du nord mais aussi à l’Atlantique ou la méditerranée. Un des avantages évident est une moindre dépendance aux caprices d’Eole. S’il souffle en mer du nord, il ne le fait peut-être pas sur la Baltique et réciproquement.
Mais pour en arriver à ces visions d’avenir, il faut de l’argent. Beaucoup d’argent. Quelques 600 milliards d’Euros d’ici 2030 d’après une évaluation de l’agence de conseil EY, citée par le journal économique Handelsblatt.(2) Et pour l’instant seuls 13 milliards ont été investis en 2021 là où il en faudrait 55 milliards par an pour atteindre les objectifs prévus. Mais l’argent va aussi à une autre source d’électricité allemande : des centrales à gaz. Ce sont elles qui assureront la stabilité et la continuité de l’approvisionnement pour remplacer définitivement le nucléaire et le charbon. Pendant ce temps, Emmanuel Macron poursuit une autre vision, celle du nucléaire justement : il organise une Alliance pro Atome au niveau européen, car là aussi il faudra de très lourds investissements. France et Allemagne sont donc une fois encore dans des trajectoires différentes. La course aux capitaux est lancée.
- L’année 2022 n’a vu une progression que de 7 GW.
- Handelsblatt,28 février 2023