Entre menace et espoir, les temps changent en Allemagne

Image de Gerd Altmann sur Pixabay
Feu d’artifice par Gerd Altmann/Pixabay

En ce début d’année il est normal de s’envoyer des vœux de bonheur. Ces souhaits sur fond de guerre en Ukraine, sont difficiles, mais d’autant plus impératifs. En revenant de France, on perçoit d’ailleurs vite que l’Allemagne se sent plus concernée et plus proche de l’Ukraine que la France. Les vœux du chancelier allemand Scholz en sont la preuve. Il débute son allocution avec ce rappel : « Dans aucune rétrospective de l’année 2022, ne manquent les images du 24 février, lorsque les missiles russes se sont abattus à l’aube sur Kiew, Charkiv et Odessa », Le Président français Macron, lui, n’a abordé ce thème qu’au milieu de son discours. Deux styles, mais surtout deux perceptions.

C’est aussi le chancelier Scholz qui a lancé l’expression désormais célèbre : « le changement d’époque » dès le 27 février 2022, à la tribune du Bundestag. Et c’est certain, l’atmosphère a changé en Allemagne. Cette nation de retraités bourgeois et tranquilles, mais aussi de jeunes, habitués à la liberté de ton et de mœurs des nombreuses grandes villes allemandes, se retrouve à partir de cette date dans une nouvelle ère, face au cauchemar des Ukrainiens, qui rappelle les déluges de feu et d’acier, les tranchées de la guerre de 14-18. La première réaction de la ministre de la défense allemande, Christine Lambrechts, issue de la gauche allemande et nourrie aux traditions pacifistes est d’ envoyer 5000 casques aux soldats ukrainiens alors qu’ils lui réclament munitions, avions de chasse et autres armes. Cela en dit long sur l’état d’esprit qui régnait dans ce pays. Un pays dont il vaut mieux néanmoins ne pas trop moquer le pacifisme naïf car il prend sa source dans une révision très critique de l’histoire allemande et de ses horreurs. La guerre, jamais plus, avaient dit les Allemands au sortir de la seconde guerre mondiale.

Le kit de survie

Berlin-Kiev, ce sont 1300 km environ, c’est un peu plus que la largeur de la France, c’est Hambourg-Brest en Bretagne. Une distance de vacances. A faire en deux étapes. Sauf que les chars russes sont mobiles eux-aussi. Alors dans un pays qui aime se faire peur, cette sensation est plus qu’anxiogène. Et les Russes en jouent. Dans un premier temps, Poutine a agité à plusieurs reprises la menace nucléaire. Bien sûr toute l’Europe a frémi, mais en Allemagne, où le nucléaire est tabou, plus qu’ailleurs. D’après une étude réalisée par la Fondation Körber en octobre dernier, 69% des Allemands craignaient une attaque nucléaire russe.

A cela est venue s’ajouter l’angoisse de manquer de gaz et donc d’électricité. Les mises en garde se sont multipliées. En mode survival. Les citoyens allemands étaient priés de remplir leurs caves avec suffisamment d’eau, une réserve pour quinze jours était recommandée, une radio à pile, un petit réchaud, des saucisses à réchauffer, des bougies bien sûr mais aussi une lampe torche assez puissante… Evidemment comparée au destin des habitants de Marioupol, ce n’était rien, mais cela s’ajoutait à l’angoisse collective.

Depuis quelques temps, grâce entre autres à un hiver anormalement doux, on pourrait dire un hiver anti-Poutine, on ne s’attend plus vraiment à des coupures d’électricité systémiques. Les centrales françaises semblent reprendre du service et les Allemands ont acheté suffisamment de gaz hors de Russie, pour éviter le black-out. Le thème a perdu de son acuité ! On peut manger les saucisses !

Mais pas de quoi se réjouir, car la plupart des Allemands – (80% d’après l’étude Körber d’octobre dernier, qui est sans aucun doute encore actuelle) – craignent un élargissement de la guerre au territoire de l’OTAN. Cette menace est souvent agitée par les propagandistes du Kremlin, mais elle se combine avec les mises en gardes des généraux allemands cette fois-ci, qui ne se privent pas de rappeler que l’Armée allemande, la Bundeswehr, doit se préparer au pire et se réarmer massivement avec – si possible – du matériel de qualité !

Alors dans cette atmosphère lourde, les Allemands ont fêté la nouvelle année dans un déluge de feux d’artifice, la lumière comme pour mieux défier la période sombre que nous vivons, provoquant accessoirement une explosion du taux de particules fines pendant quelques jours.

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