Les constructeurs allemands, très surs d’eux, VW, BMW, Audi, Mercedes, ont fait tout ce qu’ils pouvaient- y compris les falsifications de moteur- pour éviter la transformation radicale à l’électrique. Résultat : ce sont des étrangères, la Zoe de Renault et désormais la Tesla 3 qui ont conquis le cœur des Allemands. Mais, avec les mesures législatives contraignantes, plus d’esquive possible. Et les Allemands se mettent lentement à l’électrique, malgré les contraintes.
C’est une image que l’on n’attendait pas. Herbert Diess, le patron de Volkswagen aux côtés d’Elon Musk, le boss de Tesla, en train de piloter la nouvelle VW id 3 (Volkswagen) tout électrique sur la piste de l’aéroport de Braunschweig, en Allemagne, le 3 septembre 2020. Herbert Diess semble ravi de montrer à son copain et rival Elon Musk les qualités de sa nouvelle création. Tous deux rigolent comme des gamins. (à revoir sur You tube) Une belle opération marketing ? Peut-être, mais qui aurait pu imaginer une telle story il y a seulement quelques années ?
Course poursuite dans l’électrique
En 2021 la Tesla 3 est la voiture la plus vendue en Allemagne (35 262), d’après les données de la firme statista. Elle a détrôné la Renault ZOE, longtemps en tête du peloton et qui se retrouve désormais en 4ème position. Pour mieux s’imposer sur les terres allemandes et européennes, Elon Musk n’a pas lésiné : il a installé sa giga factory juste à côté de Berlin. Mais la chasse a commencé : Volkswagen sorti de son marasme après avoir payé d’énormes amendes a placé, dans ce classement, deux nouvelles venues juste derrière Tesla, la e-Up petite citadine (30 797 vendues) et la id-3 (26 693 vendues). Et ce n’est que le début. Les constructeurs allemands longtemps à la traîne sur l’électrique se sont réveillés. Et investissent. Ils n’ont pas le choix. L’UE a prévu l’interdiction de vente des véhicules à essence ou diesel d’ici 2035. L’office fédéral pour l’environnement (UBA, Umwelt Bundesamt), quant à lui, estime nécessaire une sortie du moteur à essence en Allemagne entre 2032 et 2035, y compris pour les hybrides. Le gouvernement ne s’est pas encore prononcé.
Le parc automobile allemand change
Pour l’instant ce changement n’est pas visible à l’œil nu. Au 1er octobre 2021, on recensait 517.000 véhicules tout électriques immatriculés en Allemagne. C’est très peu, quand on sait que le parc automobile de ce pays comptait à la même date quelques 60 millions de véhicules automobiles d’après les chiffres de l’office fédéral des véhicules (Kraftfahrt Bundesamt). Mais l’histoire peut aussi être racontée autrement : pour la première fois en 2021 les immatriculations de voitures à essence ont reculé, les diesels, eux, sont en repli déjà depuis 2017. C’est un fait, les Allemands sont en train d’abandonner le diesel. Lentement mais surement. Et si l’on ajoute les véhicules hybrides plug-In comme voitures électriques (494 000), le nombre de véhicules électriques sur les routes approche la marque du million.
Une société à deux vitesses?
Alors, de quoi se réjouir? Oui et non, car une question plus grave se pose. Elle est d’ordre social. L’électrique va-t-il paradoxalement nous amener à une société à deux vitesses ? Le présentateur et animateur vedette Marcus Lanz a en tout cas mis le doigt sur le problème lors de son émission du 9 février en soulignant que le consommateur peu fortuné qui vit en périphérie et dépend de sa voiture pour son métier et sa vie quotidienne, paye le prix fort à la pompe tandis que le consommateur aisé qui a pu s’ achèter une Tesla et se faire installer une borne de recharge chez lui, économise le prix de l’essence. Sa Tesla possède, de plus, une large autonomie qui lui permet de partir en vacances sans souci, où il veut. Et des bonnes de recharge rapides qui manquent sur les autoroutes francaises.
Certes à l’heure actuelle, avec le bonus du gouvernement allemand appelé « prime à l’innovation » (Innovationsprämie) d’un montant qui va jusqu’à 6000 Euros et le rabais de certains constructeurs autour de 3000€, une petite voiture électrique peut tourner autour de 10 000€ à l’achat. Mais encore faut-il les avoir. Sans compter qu ‘il s’agit principalement de petites citadines. Et puis, on peut éprouver de mauvaises surprises, comme le relate le site ecomento : les acheteurs de la Seat Mii, une très petite citadine complètement électrique, ont été prévenus fin janvier que la voiture annoncée n’était tout simplement plus fabriquée depuis la fin juin. La raison invoquée par le constructeur : outre le classique manque de puces électroniques et de batteries, la trop forte demande! La petite Mii qui se vendait à 15 000 Euros avait provoqué une ruée. Cela indique clairement où se situe la demande.
Le luxe, avant tout
Et pourtant le Handelsblatt, le journal économique allemand titrait dans son édition du 7 février dernier : « Les constructeurs en route pour le luxe » (Hersteller auf Luxuskurs). Avec un sous-titre très explicatif : « Audi, BMW et Mercedes construisent moins d’autos mais prévoient des modèles de luxe qui se vendent plus cher. » Ces fabricants annoncent la suppression de modèles bas de gamme pour élargir vers le haut de gamme. D’après le Handelsblatt, même un « fabricant de masse comme Renault et Stellantis suivent la même philosophie. » Audi se réjouit, paraît-il, de présenter une limousine électrique de luxe en 2025, sur une plate-forme qui pourra aussi être utilisée pour Bentley ou Porsche.
Le danger ou l’espoir chinois
Formidable! On se réjouit aussi pour eux. Mais alors messieurs les constructeurs ont-ils aussi pensé à la masse des consommateurs ordinaires, – dans mon genre – qui par manque de moyens ou par choix personnel, ne peuvent ou ne veulent débourser plus de 40 000€ pour leur automobile ? Sachant bien sûr que le marché de l’occasion électrique n’existe pas encore. Ceux qui à l’heure actuelle, avec leur diesel increvable ou leur voiture à essence mileu de gamme peuvent emmener leur famille en vacances jusquà 900km, sans passer une nuit à l’hôtel? La réponse ressemble à une mise en garde pour les constructeurs européens : elle pourrait venir de Chine ou de nouveaux fabricants, encore inconnus chez nous, pourraient mettre sur le marché des voitures abordables et plebiscitées par le plus grand nombre. Les plus anciens se souviendront de l’arrivée des petites japonaises!
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