Climat : un double langage
On a pu voir, sur toutes les estrades et les plateaux de télévision durant la campagne électorale, les candidats à la chancellerie proclamant, main sur le coeur, que la lutte contre le changement climatique était leur priorité. Mis à part les candidats du parti d’extrême-droite AfD. Mais, dans la réalité, les citoyens ont souvent une autre impression…
« On nous prend pour des idiots», voilà le titre d’un éditorial vengeur du quotidien General Anzeiger de Bonn, l’ancienne capitale, à deux jours de l’élection. Il suffit de lire l’article pour comprendre : les prix du ticket de bus et de tramway de la région Cologne-Bonn vont augmenter de 1,5% au premier janvier prochain. (Ils sont déjà très élevés : 2,90€). Mais, étrangement, la décision ne sera prise définitivement qu’après les élections législatives ! Les responsables politiques craindraient-ils la colère de leurs électeurs ? Ce genre de manœuvre en tous cas ne renforce guère la confiance des citoyens.

Confiance ébranlée
Sur le papier, la raison de cette augmentation est compréhensible : la régie des transports (ÖPNV) est en déficit depuis des années. Les communes n’arrivent pas à financer les transports en commun par le seul prix du ticket, et ce, malgré les augmentations régulières. Des solutions sont régulièrement invoquées : subvention de la région (le Land) ou de l’état. D’autres pistes sont discutées, plus innovantes, comme de reverser l’argent collecté dans les parkings à la régie des transports en commun. Mais dans la réalité, rien ne se passe et pour une famille, la voiture reste la plus rentable. Alors, malgré les discours électoraux, tant pis pour la transition énergétique. Le climat attendra !
Après la catastrophe
Ici, la catastrophe a déjà eu lieu. Ici, c’est dans la région de l’Ahr. Je vous en ai parlé dans le post précèdent. Et là encore, certaines victimes n’ont pas l’impression que cet évènement hors normes ait provoqué un véritable changement. Deux femmes, Doris Schmitten et Katherina Müller, originaires d’un des villages les plus ravagés, Insul, ont lancé début septembre une pétition intitulée Reconstruction de l’Ahr : La nature et les humains ensemble (Wiedahraufbau-Natur und mensch gemeinsam) qui a déjà rassemblé quelques 4500 signatures et est soutenue par le groupe local des Grünen. Elles dénoncent le fait que la rivière soit réinstallée dans son ancien lit sans prévoir des zones suffisantes de débordement. Elles s’insurgent que des habitants pensent à acheter des chaudières à fuel alors que d’autres « sont obligés de démolir leur maison parce que 4500 litres de fuel ont inondé leur cave », comme elles le confient au journaliste du quotidien General Anzeiger. Leur pétition réclame, elle, un changement de paradigme : un système énergétique décentralisé avec chauffage par thermie solaire et pompes à chaleur. Plutôt que de remettre en route des stations d’essence, elles demandent l’ouverture de lignes de chemin de fer dans la vallée et l’installation de bornes de recharge pour voitures électriques. Bref, autant de mesures pour lutter contre les effets du changement climatique que la population de cette vallée a vécu dans sa chair avec un bilan sidérant de plus de 140 victimes.
On le voit, le fossé entre les déclarations politiques proférées du haut des estrades et la réalité vécue par les citoyens existe et provoque l’incompréhension. Les conséquences de cette rupture de confiance peuvent être graves : de l’abstention aux élections aux manifestations violentes, en passant par des pétitions engagées. Seul un réel débat avec les citoyens concernés, peut amener à politiques adaptées aux différents territoires. Le climat, indifférent à nos tergiversations, n’attend pas…
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