Transports en commun gratuits ?

Ne plus payer pour les bus, trams ou métros, quelle bonne idée ! On ne la doit pas à un écolo idéaliste mais au très sérieux ex-chef de la chancellerie, Peter Altmeier, l’homme de confiance d’Angela Merkel. En réalité c’est une proposition faite dans l’urgence, pour essayer d’amadouer la commission européenne, qui a lancé une mise en garde à l’Allemagne pour non-respect des normes environnementales. Les communes sont vent debout, mais que faire alors ?

Les juges du tribunal fédéral administratif allemand ont un grand mérite : ils ont affiché clairement la primauté de la santé publique, celle du droit à la qualité de l’air, sur le droit de propriété. Et ils obligent par leur jugement tous les acteurs, gouvernement, constructeurs et usagers à regarder la réalité en face, à savoir que ne pas respecter les normes environnementales (40 microgrammes par metre cube de dioxyde d’azote d’émission dans l’atmosphère) n’est pas une bagatelle. Assez courageux au pays de la belle mécanique et des SUV rutilants ! Il va donc falloir changer les habitudes plus vite que prévu. Sous peine d’interdiction de circuler pour les diesels, par exemple! La commission européenne ne dit pas autre chose quand elle a lancé fin janvier un dernier avertissement non seulement à l’Allemagne, mais à huit autres pays dont la France. Cela fait neuf ans que Bruxelles essaye en effet de faire entendre raison à ces pays. Peine perdue. Il ne reste donc que le bâton : la menace d’une plainte auprès de la Cour de justice européenne, avec des sanctions financières de plusieurs millions à la clé. Il faut bien ces sommes énormes, sinon les états préfèrent payer que de s’amender.

C’est dans ce contexte que Peter Altmeier, donc, a lancé une proposition étonnante. Un plan qui devait séduire la Commission – ou en tous cas – montrer la bonne volonté du gouvernement allemand.

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Bus électrique,© Martin Mugunia, Stadtwerk Bonn

L’idée est de tester dans cinq communes- dont l’ancienne capitale Bonn – les transports gratuits. A notices d’allemagne je vous ai parlé de l’air pollué de l’ancienne capitale qui a pourtant abrité la conférence climat COP23. Mais cette proposition sur les transports gratuits, c’est un peu comme celle du revenu minimum de Benoît Hamon. Elle a été jetée dans le débat par surprise. Séduisante, voire « visionnaire » pour certains, elle semble pour l’instant assez irréaliste. L’accueil des communes a en tous cas été glacial. Ou pire, complètement négatif. « Impossible à réaliser rapidement, pas de financement » a commenté sèchement le maire de Bonn. Le trésorier de la ville de Mannheim, du même parti pourtant que Peter Altmeier, a estimé lui, qu’il s’agissait « d’une illusion ».  Aucune des cinq communes (Essen, Mannheim, Reutlingen, Herrenberg, Bonn) ne semble adhérer à ce projet. Reste que pour la ville de Bonn, les Verts et le SPD, ont critiqué l’attitude purement négative du maire en affirmant, comme le rapporte le quotidien local General Anzeiger « qu’avec l’aide proposée par l’Etat fédéral, on aurait pu faire quelques pas vers un objectif de gratuité des transports publics. »

 

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Les vélos écolos de la COP23 ©Ecadot

Et ils dénoncent l’approche « à petits pas » du maire. Les communes ont en effet proposé un projet pilote beaucoup plus modeste, qui prévoit de donner des avantages dans les transports en commun, pour le carsharing ou le vélo, aux habitants qui renonceraient volontairement à utiliser leur voiture. Mais, de son côté, le ministère de l’environnement ne veut pas s’annoncer complètement battu. Il est prêt à soutenir une ville si elle souhaite se lancer dans l’aventure, d’après les propos rapportés par un porte-parole cité dans le quotidien de Bonn, mais le gouvernement favorise également d’autres alternatives comme l’utilisation de bus électriques. Ils sont d’ailleurs testés dans l’ancienne capitale Bonn comme dans d’autres villes d’Allemagne. Seulement problème, comme l’expliquait le maire de la ville de Mayence, et Président de l’association ou fédération des entreprises communales, Michael Ebling, au Journal de la deuxième chaîne de télévision ZDF, « j’aimerais bien par exemple acheter pour ma ville de Mayence un bus à pile à combustible, mais aucun constructeur allemand entre Francfort, Wiesbaden ou Mayence n’a été capables de le fournir . C’est aussi un signal d’alarme.» Un avertissement en tous cas en direction du tout puissant lobby de l’automobile, qui a tout fait jusqu’à présent pour ne pas modifier ses habitudes au détriment de l’environnement en particulier. Le journal populaire « Bild » titrait aujourd’hui : « Le chaos du diesel » (Dieselchaos). Pour une fois, on ne peut pas dire qu’il a tort !

 

©Elisabeth Cadot