La campagne électorale semble oublier l’Europe

Notices d’Allemagne est de retour après une longue pause estivale ! En pleine campagne électorale, je découvre les rues envahies par les panneaux des candidats, j’assiste comme des millions d’Allemands au grand « Duell », le débat télévisé entre Martin Schulz et Angela Merkel. Les réfugiés et les sujets sociaux ont occupé les débats. Mais l’Europe ? A peine évoquée. Comme si cela allait de soi. Mais est-ce si sur ?

Il semble loin le temps où la ferveur pour l’Europe était au rendez-vous : on s’en souvient, tous les dimanches, des citoyens, générations confondues, se retrouvaient sur les places publiques des villes allemandes pour brandir le drapeau européen.

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Cologne, manifestation pour l’Europe, février 2017/EC

Le tout dans une ambiance bon enfant mais néanmoins déterminée. Un mouvement était né « Pulse of Europe ». Il y avait comme un sentiment d’urgence devant la menace du Brexit, et l’élection possible de Marine le Pen en France. Il suffit de relire les reportages de Notices d’Allemagne pour s’en convaincre. Certes les activistes de Pulse of Europe préparent encore aujourd’hui des rendez-vous publics, ils ont mis sur leur plate-forme une application plutôt ludique qui permet à chaque électeur de découvrir à quel parti correspondent le mieux ses aspirations pour l’Europe. Mais dans l’ensemble l’Europe semble passée sous silence.

Naturellement, en Allemagne comme ailleurs  les électeurs s’intéressent d’abord aux thèmes qui touchent à leur vie quotidienne comme les retraites, les réfugiés ou les emplois précaires. A cela s’ajoute le fait que le consensus entre les deux grands candidats Martin Schulz et Angela Merkel peut sembler si évident en matière européenne, que les candidats n’éprouvent pas le besoin d’en débattre. Mais c’est assez déroutant tout de même, d’autant plus qu’au même moment le Président Emmanuel Macron s’est positionné à Athènes, non sans un certain pathos, en leader européen.

Il faut donc  chercher d’autres raisons. La Grèce justement. Tiens cela rappelle quelque chose et vu d’Allemagne pas grand chose de bon. La crise. Et oui. La crise de 2015 qui a vu s’affronter avec une rare violence Berlin et Athènes. Du passé tout cela ? Pas tout à fait, justement.

Car lorsque Emmanuel Macron évoque un budget de la zone euro ou un Fonds monétaire européen, un petit parti dit « nein » : c’est le FDP. Ce parti libéral veut au contraire amener le Mécanisme européen de stabilité existant (né pour amortir les chocs de la crise) à son terme. Contre l’avis d’ailleurs du grand argentier Wolfgang Schaüble. (Ce dernier soutient le projet Macron mais à condition que les budgets des états membres de l’UE soient contrôlés à l’allemande). Seul ennui : le petit parti FDP pourrait bien devenir un partenaire indispensable de la coalition qui risque de naître après les élections. On comprend le peu d’enthousiasme d’Angela Merkel à évoquer ces dissensions avant le vote du 24 septembre.

vote-33737_1280

Pixabay.com

Et ce n’est pas tout. Le chef du parti, l’ambitieux et relativement jeune Christian Lindner s’est déjà prononcé contre toute aide supplémentaire à la Grèce. Et dans l’ensemble contre tout ce qui pourrait de près ou de loin ressembler à une mutualisation des finances de la zone euro. Et il faut bien dire qu’il n’est pas le seul dans l’opinion publique allemande à éprouver cette méfiance…

Mais il y a plus menaçant encore, c’est la popularité croissante du parti populiste AfD à l’extrême-droite de l’échiquier politique allemand. Né justement en réaction à la politique d’Angela Merkel durant la crise grecque, résolument hostile à sa politique d’accueil aux réfugiés, le parti se concentre sur les thèmes identitaires. Mais sa nouvelle égérie Alice Weidel, une économiste à l’expérience internationale, à la rhétorique provocante et qui n’hésite pas à pratiquer les coups d’éclat comme celui de quitter en plein direct une émission de la TV publique, se positionne pour une sortie de l’Euro. Or ce parti pourrait rafler la troisième place derrière les deux grands partis traditionnels les sociaux démocrates du SPD et les conservateurs de la CDU d’Angela Merkel. Il tourne autour de 10% d’intentions de vote.

Sur cette toile de fonds on comprend qu’il est assez risqué d’ouvrir la boite de Pandore de l’avenir de l’Europe avant le soir des élections. Car la chancelière – ou le chancelier – devra trouver une majorité au Parlement pour toute avancée sur la construction européenne. Et si Angela Merkel remporte cette élection sans majorité absolue, elle pourrait même être obligée de chercher sur ce thème une majorité avec les sociaux démocrates de l’opposition. C’est à ce prix seulement qu’elle pourrait entrer dans l’histoire comme celle qui a fait avancer l’Europe. Un éventuel scénario qu’il vaut peut-être mieux ne pas crier sur les toits !

copyright EC

Une réflexion au sujet de « La campagne électorale semble oublier l’Europe »

Répondre à Laurent LEBLOND Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.