„Longevity“… c’est le mot à la mode. On pourrait aussi dire longévité. Qui n’en a pas rêvé ? Dans un mélange d’incrédulité et d’envie, les journaux et magazines allemands relatent les progrès, les dérives ou le business de cette mode née chez les milliardaires de la Silicon Valley. « Est-ce que 70 aujourd’hui est le nouveau 60 ? (Ist 70 jetzt das neue 60) » se demande le quotidien de Bonn, General Anzeiger. Et à la une du quotidien économique Handelsblatt s’affiche un gâteau dégoulinant de crème, surmonté d’une forêt de bougies d’anniversaire avec en titre : « La promesse de la vie éternelle ». (1) Non ? Pas croyable ! Je suis impatiente de lire. Mais prudent, le journal ajoute : « ce qui est déjà possible maintenant ». Ce qui est déjà possible ? Les poètes, eux, ont trouvé depuis belle lurette la solution.
Souvenez-vous de ce vers incroyable : « Frères humains qui après nous vivez, n’ayez les cœurs contre nous endurcis ». La ballade des pendus de François Villon qu’il avait d’ailleurs nommée « Épitaphe dudit Villon », de 1489, est une projection géniale de sa propre existence dans la vie éternelle. On ne sait rien de la fin de vie du poète voyou, il disparaît simplement. Mais peu importe, son appel à notre humanité retentit encore, cinq cents ans plus tard. Sa langue est claire, sa demande émouvante. Elle nous touche, même à l’heure actuelle. Ajoutons, pour nous faire plaisir, ces vers de Rimbaud qui ouvrent et ferment le poème intitulé Éternité : Elle est retrouvée/Quoi ? – L’Éternité/C’est la mer allée/Avec le soleil/Illuminations de 1895. Les pilules, opérations chirurgicales et autres potions magiques des gourous de l’Anti-Aging sauront-elles en faire autant ? À voir.
Le secret de la longévité
Mais il y a mieux encore. C’est en Allemagne dans la vallée de la Düssel, une rivière qui a donné son nom à la ville de Düsseldorf, que des ouvriers ont trouvé par hasard en 1852 des os fossiles d’un humain, que l’on a baptisé « l’homme de Néanderthal ». Il avait … 42 000 ans, nous apprend-on au formidable musée de Néanderthal ! Le secret de sa « longévité » : il était enterré dans une grotte. Couvert d’argile et de craie. Dans une petite vallée escarpée. À partir de quand commence l’éternité ? Son espèce s’est définitivement éteinte il y a 30 000 ans… Et pourtant ces Néanderthaliens disparus sont eux aussi immortels, car nous, les Sapiens, portons des éclats de leur ADN. Et voilà que l’on apprend que deux louveteaux ont été « ressuscités » à partir de gènes d’une espèce disparue il y a 10 000 ans !
Blanche-Neige au goût du jour
Alors les nouveaux gourous ont-ils raison ? Certes, nous ne sommes certes pas des requins du Groenland, capables de vivre quatre cents ans, ou des louveteaux qui revivent dix mille ans plus tard, mais certains tentent le pari. Le milliardaire Peter Thiel par exemple, grand ami d’Elon Musk, voudrait, parait-il, se faire « cryogéniser » pour revenir à la vie plus tard. Pour l’instant seul le professeur et écrivain Bedford a été cryogénisé. La date de cet évènement – le 12 janvier 1967 – est surnommée le « Bedford Day. Dans quel état sera-t-il alors dans ce « plus tard » non défini ? Ressemblera-t-il à une barquette de poisson surgelé ? Et surtout est-ce désirable ? La réalité est sans doute nous pouvons peut-être « mieux » vieillir. Moins de démence et plus de mobilité, ça c’est une avancée à laquelle on ne peut qu’applaudir des deux mains. En ce qui nous concerne, nous les femmes, dès notre plus jeune âge, on nous apprend que notre beauté n’est que passagère. Et que la vieillesse nous transforme en marâtres. Quand dans le conte Blanche Neige et les Sept Nains, la reine demande : « miroir, miroir, qui est la plus belle de tout le pays ? » le petit miroir répond « Madame la reine, vous êtes la plus belle ici. Mais Blanche-Neige est mille fois plus belle que vous ». La petite Blanche-Neige n’a que sept ans, mais « chaque jour devient plus belle », avec son teint frais, ses joues rouges comme le sang et surtout ses vingt ans de moins. La reine, elle, vieillit, s’aigrit et talonnée par la jalousie, se transforme en meurtrière. Elle sera terriblement punie, nous disent les frères Grimm qui ont transcrit ce conte allemand. Et si justement on mettait la fin de ce conte au goût du jour ? La reine avec toutes les crèmes, vitamines et pilules de longévité de la Biotech garderait sa bonne humeur et sa beauté, et supporterait sans acrimonie la beauté naissante de la jeune Blanche Neige… ?
Le filon de la longevity
C’est cette promesse-là, celle d’une vieillesse en beauté et bonne santé qui fait vendre. Des crèmes, des pommades et des élixirs, mais aussi toute une littérature. En Allemagne, les ouvrages se multiplient. Des médecins, des nutritionnistes, des journalistes et sans doute aussi des charlatans y prodiguent nombre d’explications et de conseils : le Compas de la longévité (Longevity Kompass) écrit par un journaliste scientifique et un neurologue), qui se veut un guide et semble assez sérieux, quoiqu’un peu trop scientifique, Demain plus jeune (Ab morgen jünger) de la journaliste biologiste et présentatrice Nina Ruge, (Heyne Verlag 2025), Lifestyle of longevity du Dr Kati Ernst (dtv Verlag 2025), die Longevity-Food-Formel du Dr Mathias Riedl (Gräfe und Unzer Verlag), spécialiste de la nutrition et star de la télé NDR, la Longevity kitchen avec plein de recettes de smoothies, de soupes et de boissons d’une certaine Luisa Herbst (Independently published 2024), bref, le filon semble bien marcher et donne la mesure de notre angoisse. Certains ont compté plus de 1,5 million de stories en tapant le mot „longévity » sur Instagram. J’avoue que je n’ai pas vérifié.
Le langage des poètes
Alors, face à ce déferlement de parutions et de bons conseils, on se sent un peu dépassé. « Vieillir, c’est chiant » disait péremptoirement Bernard Pivot. Certes. Mais en attendant l’arrivée de traitement efficace contre Alzheimer par exemple, avec un peu de bon sens – bouger, communiquer avec les autres, manger sainement – il n’est sans doute pas nécessaire de dépenser des fortunes dans les inventions de la Biotech pour éviter que la vieillesse ne soit un naufrage. Et avouons le, pour ma part je préfère décidément le langage des poètes ou des écrivains. Ils ne vieillissent pas. D’un coup de plume, ils touchent l’éternité…
© EC
- Handelsblatt 30 mars 2025
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Je vous embarque sur la « Petite mer », le Golfe du Morbihan. Deux meurtres en quelques jours dans une famille d’ostréiculteurs : ce n’est pas banal. Surtout dans une région tranquille du Golfe du Morbihan. La commandante de gendarmerie Nathalie Dumoulin est sous pression. Les médias s’impatientent, le procureur aussi. L’affaire fait grand bruit jusqu’à Paris. Au milieu de cet imbroglio, le cœur de la commandante Dumoulin bat la chamade tandis qu’à la gendarmerie les rivalités éclatent. Saura-t -elle s’affirmer ? Elle en doute parfois mais on aurait tort de la sous-estimer.

