Ils ont été nombreux ceux qui, comme les personnages de mon roman Puisqu’il faut partir, ont embarqué pour le Nouveau Monde, l’Amérique. Que sont-ils devenus sur cette terre étrangère? Des lecteurs/trices m’ont demandé de poursuivre leurs aventures. Alors avant de lancer mes héros, les descendants des Beck, Carolina et ses enfants dans leur nouvelle vie, j’ai parcouru les données historiques et me suis interogée : ont-ils assisté au naufrage tragique qui a décimé une partie de la colonie allemande de New York ? Mais de quoi s’agit-il ?
Peu de gens, surtout en France, en sont conscients : l’émigration allemande en Amérique a été considérable. En 1914, à la veille de la Première Guerre mondiale, on recensait quelque sept millions d’émigrés allemands (German Heritage Museum) dans ce pays. Un mouvement qui avait démarré en 1683 en Pennsylvanie avec la fondation par des protestants mennonites d’un village baptisé German Town. Les raisons de cette émigration massive sont multiples, elles varient au long du XIXe siècle durant lequel se déroule le gros des départs.
Pauvreté et oppression politique
Il y a d’abord la pauvreté, voire la misère : les héros de Puisqu’il faut partir, la famille Beck et le couple du bas du village, Carolina et Reinhardt se débattent pour survivre dans l’ancien électorat de Mayence, devenu département français et ravagé par les guerres entre Prussiens et troupes révolutionnaires françaises, puis occupé par les soldats de Napoléon, avant de tomber sous le joug du chancelier autrichien Metternich. Dans le Bade-Wurtemberg, en 1816, c’est la famine. Carolina, une des héroïnes principales du roman, partie enterrer sa mère dans cette région, en est revenue sous le choc : « Tout plutôt que cela, avait-elle confié à son mari, frissonnante. » (P. 104) La seule solution pour elle, mais aussi pour des millions d’Allemands du XIXe siècle, c’est l’émigration, notamment en Amérique. En 1848, s’ajoutent à cela des raisons politiques, la fuite des révolutionnaires qui portaient l’espérance d’une Allemagne démocratique face à la répression conservatrice du chancelier Metternich.
Les Allemands de New York
Ces émigrés s’installent d’abord sur le Lower East Side à Manhattan. En 1840 New York compte à peu près 24 000 Allemands. Ce sont des artisans, des ingénieurs, des chimistes, des lettrés comme des libraires ou des professeurs. Les héros de mon roman Puisqu’il faut partir, qui se base sur des documents familiaux authentiques sont, pour leur part, issus d’une famille de vigneron. Comme d’autres ils amènent dans leurs bagages esprit d’entreprise et savoir-faire artisanal. En 1855 New York abritait la plus importante communauté de langue allemande après Berlin et Vienne. Et avec la baisse du prix des billets, de nouveaux émigrés débarquent. En 1880 ils représentent un quart de la population new-yorkaise, soit 170 000 personnes installées autour de Tomkins Square Park. C’est le premier quartier de New York où l’on ne parle pas anglais. D’autres suivront bientôt comme Little Italy ou Chinatown.
Culture et tradition allemandes
Ces émigrés ont non seulement apporté leur langue, mais aussi leurs traditions, leur art de vivre : grandes brasseries (Bierhallen), jardins d’enfants (Kindergarten), clubs de tir (Schützenvereine), boulangeries, une bibliothèque (Lesehalle) devenue aujourd’hui une librairie, un hôpital… Bref, c’est un village dans la ville. Deutschländle, comme disent les émigrés entre eux, dont beaucoup de Souabes, Little Germany dit-on en anglais, un quartier situé entre l’actuel East Village et Lower East Side à Manhattan.
Un naufrage avec femmes et enfants
À la fin de l’année scolaire, une coutume s’est établie : faire un tour en bateau sur le Lower East Side. Et un 15 juin ensoleillé de l’année 1904, quelques 1300 personnes, des femmes et des enfants surtout, se réjouissent d’embarquer sur un navire loué par l’Église luthérienne Saint Marc, le « Général Slocum ». C’est un bateau à vapeur. Une demi-heure environ après le départ, le feu prend dans une cargaison illégale de foin stockée dans la soute, comme le révèlera après-coup l’enquête. La catastrophe alors prend son cours. Le bateau est en très mauvais état comme le relate le site Newyorkcity.de : les canots de secours sont bloqués et ne peuvent être mis à l’eau et les gilets de sauvetage, précise-t-il encore, fabriqués à l’époque en liège, s’émiettent entre les mains. L’équipage est incapable d’éteindre l’incendie qui fait rage. Des centaines de passagers sont brûlés, ou asphyxiés. La plupart ne savent pas nager. Finalement le navire long de 76 mètres sombre dans les flots agités en face du Bronx emportant avec lui un millier de passagers – principalement femmes et enfants. C’est la plus grande catastrophe qu’ait connue New York, après les attentats terroristes du 11 septembre. Une catastrophe qui a de surcroît fait naufrage dans la mémoire collective allemande et américaine, car jusqu’à très récemment elle était largement ignorée. Sans doute la violence des deux guerres mondiales, explique-t-elle pour une partie que l’on ait très longtemps effacé le souvenir de ces victimes.
Après le drame
Le quartier de Little Germany ne s’est jamais remis de cette tragédie. Les familles décimées ont quitté New York dans toutes les directions vers la Pennsylvanie notamment. D’autres sont parties vers York Town, dans le nord de New York. De ce quartier, il ne reste presque plus de traces. Mes héros ont-ils vécu ce drame ? Certains vivaient dans l’Ohio et n’en ont pas été victimes, Carolina était trop âgée. Sa fille ou son fils installés à New York y ont peut-être assisté, mais cela, c’est une autre histoire ! Grâce à une initiative du Consulat allemand à New York, on peut en tout cas depuis cet été disposer d’un plan colorié qui localise quelque 29 sites principaux de l’ancienne Little Germany.
Copyright EC
Si ce thème vous intéresse, commandez vite le roman :
Puisqu’il faut partir (Ed. Complicités) En vente dans toutes les librairies, y compris FNAC et Amazon. (Prix 19€) et sur le site des Editions Complicités
Je vous propose la saga d’une famille franco-allemande sous la révolution française de 1789. Dans un petit village de Hesse rhénane, femmes et hommes sont confrontés á des défis comme l’occupation française ou les mauvaises récoltes. Amours et Histoire s’entrechoquent. Les héroïnes du roman, des femmes de courage, essayent de trouver leur destin. Ce sera l’émigration.
Si vous préférez changer complètement d’ambiance et retrouver la Bretagne:
Silence de mort dans le Golfe (Ed. Librinova) Livre numérique chez Amazon, FNAC, Kobo, librairie Librinova (Prix 4,99€).
Je vous embarque sur la « Petite mer », le Golfe du Morbihan. Deux meurtres en quelques jours dans une famille d’ostréiculteurs : ce n’est pas banal. Surtout dans cette région tranquille. La commandante de gendarmerie Nathalie Dumoulin est sous pression. Les médias s’impatientent, le procureur aussi. L’affaire fait grand bruit jusqu’à Paris. Saura-t-elle résoudre cette double énigme ?
.


