Embouteillages, trains en retard, bus aléatoires…non, il ne s’agit pas d’un pays en voie de développement mais de l’un des plus modernes au monde, l’Allemagne. S’il est bien un thème qui revient en boucle dans les conversations ou dans les émissions de télévision, c’est celui-là. L’équation est devenue très compliquée avec le changement climatique.

Lors d’une émission grand public très regardée, sur la 1ere chaine de télévision allemande le 5 février dernier, Robin Alexander, rédacteur en chef adjoint du journal die Welt, s’étranglait presque en constatant qu’à Berlin les transports publics étaient constamment en retard et se demandait : « comment en est-on arrivé là en Allemagne pour que notre infrastructure soit à ce point délabrée ? ». A vrai dire, la question tout le monde se la pose. Entre agacement, colère ou résignation, les réactions sont diverses, car ce qui vaut pour la capitale, vaut pour le reste du pays. Qui n’a pas goûté au plaisir douteux des autoroutes allemandes sur lesquelles se côtoient des bolides à 200km et des colonnes interminables de poids lourds en provenance de toute l’Europe, ne peut comprendre l’ampleur du problème. Car le diagnostic est là, elles sont au bord de l’asphyxie et il ne sert à rien d’avoir des bolides, puisque même sans limitation de vitesse générale – un tabou – les tronçons où ils peuvent déployer leur puissance sont réduits comme peau de chagrin.
104 000 heures dans les bouchons
Le Land de Rhénanie du nord-Westphalie par exemple, qui a une frontière commune avec la Belgique et les Pays-Bas, détient le record des embouteillages du pays : sur les quelques 2200 km d’autoroutes, les automobilistes ont passé la durée affolante de 104 000 heures dans les bouchons, d’après les statistiques de 2022 publiées par l’ADAC, l’automobile club allemand. Entre Cologne et Oberhausen (dans la Ruhr) les automobilistes sont restés coincés quelques 4070 heures, et vers l’ancienne capitale Bonn au sud, 3883 heures. Et cela ne va pas s’arranger, paraît-il. On s’approche même du scénario catastrophe prédit l’ADAC : le trafic autoroutier va augmenter et si les automobilistes aux heures de pointe, ceux qu’on appelle les « Pendler », sont aussi nombreux qu’avant le Corona, ce sera « le chaos », annonce-t-il. Ces sombres prévisions, parfaitement documentées, devraient d’ailleurs provoquer, soit dit en passant, quelques moments d’introspection à l’ADAC qui a longtemps été un lobby très puissant du « tout automobile ».
4000 ponts à rénover en dix ans
Comment en est-on arrivé là, peut-on se demander comme le confrère du Welt ? Il y a bien sûr de nombreuses raisons. L’une d’entre elle est le retard pris pour moderniser le réseau. Une donnée à elle seule illustre le manque d’investissement : sur les 837 ponts autoroutiers que l’état doit rénover en NRW, seuls 40 chantiers ont été réalisés. Et au niveau national, l’Etat allemand prévoit de renforcer ou de renouveler quelques 4000 ponts en dix ans, un objectif titanesque ! Résultat, les travaux incessants sur ces autoroutes saturées provoquent ralentissement, bouchons et éventuellement accidents. Les voyageurs allemands qui vont en France ne tarissent pas d’éloges sur l’état de notre réseau. Ils ont raison. La grande différence entre les deux pays, c’est que les autoroutes françaises sont payantes alors qu’elles sont gratuites en Allemagne.
A cela s’ajoutent la complication du fédéralisme : l’Etat et les Länder se renvoient la balle pour savoir qui doit financer et entretenir le réseau.
Une situation qui devrait néanmoins inciter à réduire le trafic routier, responsable de 21% des émission de CO2 de l’Allemagne, d’après les chiffres de l’office fédéral de l’environnement (Umwelt Bundesamt). Mais face à cette situation les oppositions politiques s’affrontent à l’intérieur même du gouvernement : le ministre des transports se prononce pour un élargissement de certaines autoroutes pour éviter l’infarctus et recommande l’emploi d’essence d’origine végétale. Les autres membres de la coalition, en particulier les Verts, veulent favoriser le rail.
Des objectifs déjà obsolètes
Quelle bonne idée serait-on tenté de dire. Mais voilà, même les plus fervents adeptes des chemins de fer déchantent, car la deutsche Bahn a une spécialité : les trains en retard, voire même supprimés au dernier moment, sans compter les changements de quais impromptus qui mettent un stress particulier au moment de l’embarquement. La Bahn le reconnait, la ponctualité des trains grande ligne en Allemagne était de 65% en 2022. Ponctualité, cela veut dire moins de 6 minutes de retard. Le vécu, serait plutôt 10 minutes comme norme et au-delà les vendredis en fin d’après-midi et soirée. Alors bien sûr les voyageurs ont droit à un remboursement : 25% du billet à partir de 60 minutes de retard, et 50% à partir de 120 minutes de retard. Certes. Mais en cas de correspondance à prendre, cela devient parfois acrobatique. Et là aussi, même constat : les lignes de chemin de fer sont saturées et les voies constamment perturbées par des travaux qui ont pris un retard considérable. Il faudrait d’après la Deutsche Bahn 60 milliards d’Euros pour rattraper le retard en investissement et résoudre les problèmes du réseau. Et les objectifs affichés par la coalition au pouvoir (sociaux-démocrates, Verts et Libéraux) sont d’ores et déjà inatteignables : faire passer 25% du trafic de marchandise sur les rails d’ici 2030 (aujourd’hui seulement 18%). Et doubler les capacités du trafic voyageur. Le gouvernement de coalition a bien conscience du problème : le Bundestag vient de voter une loi d’accélération des procédures pour les grands projets d’infrastructure, par exemple le développement du réseau ferré. Reste à voir comment elle sera appliquée.
« Mon grand-père, rappelait le confrère de la Welt, était cheminot et ils étaient fiers à l’époque. Il disait tu peux régler ta montre sur l’arrivée du train ». Aujourd’hui, il n’y a plus d’horloge dans les gares, les trains ne sont pas ponctuels et il ne reste plus qu’à prendre patience… !
Très intéressant Élisabeth ce sujet violence aux femmes aujourd’hui 8 mars car on ne sait que peu de choses sur la situation en Allemagne – voilà qui permet de constater avec consternation que ce n’est pas mieux de l’autre côté du Rhin. Dans quel pays les femmes sont-elles moins victimes de violences en vrai ?
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