Revue de presse

Elections françaises, inquiétudes allemandes

Marine le Pen au pouvoir en France ? Une vision qui effraie en Allemagne. Depuis quelques mois, les correspondants des grands journaux mettent en garde : en cas de duel Macron-Le Pen, il se pourrait que la candidate du Rassemblement national gagne. D’où l’intérêt pour le résultat même partiel, de l’élection régionale qui vient de se dérouler. Avec des commentaires peu amènes…En voici quelques-uns

Le quotidien de Bonn, le General Anzeiger, donne le ton avec le titre de son éditorial : « la politique sans le peuple ». Le correspondant en poste à Paris apprend à ses lecteurs que les politiques français, loin de se poser la question de leur légitimité au vu du taux d’abstention abyssal, reprennent leurs bonnes vieilles habitudes : se féliciter de leurs victoires et se lancer dans les tractations pour le second tour. On sent presque de l’indignation lorsque le correspondant constate que ces mêmes politiciens « préfèrent chercher les raisons de l’abstention auprès des électeurs – ils n’auraient pas compris le système, ou ils se désintéressaient de la politique – plutôt que dans leur pratique. » Cette inconscience – faudrait-il dire ce mépris –  nuit à  la démocratie et creuse, d’après le journal, la distance entre le peuple et ses institutions politiques. Même surprise et indignation à peine voilée pour la Süddeutsche Zeitung. Le quotidien libéral du sud de l’Allemagne souligne que « politiques et médias  dissèquent dans un marathon sans fin sur les plateaux de télévision les résultats du premier tour de l’élection». Et de constater : « il y a ainsi deux France, l’une bruyante, l’autre sans voix ».

Les régions, mal aimées en France

Quant au quotidien conservateur de référence, Frankfurter Allgemeine Zeitung, (FAZ) il consacre deux articles importants à l’évènement. La correspondante à Paris, Michaela Wiegel, remarque qu’en France les régions sont « les parents pauvres de la démocratie. Les conseillers régionaux ne sont élus que depuis 1986. Et la réforme de François Hollande qui leur a donné une taille voisine des Länder allemands n’a pas changé le fait que les Français n’y adhérent pas. »

Il faut dire que les compétences des régions qui se limitent aux transports, aux lycées et à l’aménagement du territoire, ne sont pas comparables avec celles des Länder à qui sont dévolues la sécurité, l’éducation et la santé, parmi d’autres.

Le quotidien prend également note de la débâcle du parti d’Emmanuel Macron. C’est ce qui arrive, lorsqu’on réduit ce rouage à n’être plus qu’une sorte de « fan-club », note le journal. Et de constater que les « Vieux partis » font leur retour, notamment les Républicains, qualifiés de proches de la CDU/CSU, les unions chrétiennes-démocrates allemandes. Le duel Macron-le Pen ne semble plus s’imposer de manière aussi évidente, constate donc la FAZ.

Mais, le quotidien des affaires Handelsblatt, lui, met en garde : « le Pen rode encore » explique-t-il à ses managers de lecteurs. Le recul du RN est principalement dû à l’abstention, estime-t-il. « Et depuis que Marine le Pen a renoncé à ses revendications les plus clivantes comme la sortie de l’UE ou le retour au Franc, le parti n’inquiète plus », explique-t-il à ses lecteurs. Marine le Pen, estime le journal, pourrait donc bien se retrouver au second tour de la présidentielle face à Macron avec un thème qui préoccupe les Français et qui est justement sa marque de fabrique : l’insécurité.  Vu d’Allemagne, il n’y a guère lieu de se réjouir…