Bonn, la capitale du climat, respire mal

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Bonn, la « petite ville en Allemagne »  – pour citer John le Carré – va redevenir, d’ici une dizaine de jours, capitale. La capitale mondiale du climat. Elle accueille en effet la conférence COP23, qui fait suite à l’Accord de Paris sur le Climat de 2015. Quelques 25 000 délégués vont s’y bousculer. Une nouvelle station de tram a été construite. Pourtant à Bonn, on ne respire pas très bien et les véhicules diesels risquent même d’en être bannis…

Une ONG, la Deutsche Umwelthilfe (Aide à l’environnement allemande) a en effet porté plainte contre la ville de Bonn, mais aussi celle de Cologne, d’Aix-la-Chapelle, au total contre 16 villes allemandes pour non respect des normes environnementales. Il existe en effet en Europe un « droit à l’air propre ». Et chaque citoyen, riverain, parent, médecins mais aussi des associations, peut le faire valoir devant les tribunaux, c’est en tous cas ce qu’ont estimé les juges administratifs allemands …

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Le résultat : en septembre 2016 les juges ont annulé le plan de l’air de la ville de Düsseldorf, suite à la plainte de l’ONG Umwelthilfe. Nouvelle victoire pour les défenseurs de l’environnement en juillet dernier à Stuttgart, où se trouve le siège de Mercédes : la justice a estimé que l’interdiction complète du diesel dans la zone environnementale de la ville à partir de janvier 2018 est « inévitable et conforme au droit ». Les juges ont en effet estimé que la protection du droit à la vie et à la santé était un droit supérieur. Il ne manque plus qu’une décision de principe du tribunal Fédéral administratif (Bundesverwaltungsgericht) pour donner un fondement juridique clair à ces décisions. Il est temps. Car en Allemagne comme en France, on a l’impression que constructeurs automobiles et responsables politiques traînent les pieds pour agir. Cela fait des années en effet que l’Office Régional de l’environnement (Landesumweltamt) mesure par exemple pour Bonn des concentrations de dioxyde d’azote qui dépassent la norme autorisée depuis 2010 par l’union européenne, soit 40 microgrammes par mètres cubes en moyenne annuelle. En particulier sur l’artère principale, où s’engouffre tous les jours le flot de voiture, qui entre en ville, le taux est de 50 microgramme de dioxyde d’azote. L’année passée on mesurait même 57 microgrammes ! Malheureusement, c’est une rue bordée de nombreuses habitations ! Or les experts du bureau de l’environnement de la ville, sont d’accord : il sera impossible de respecter les normes sans procéder à une mesure radicale : interdire à la circulation les véhicules diesels. Bien qu’ils ne représentent que la moitié des véhicules circulant à Bonn, ce sont eux qui émettent en effet 80% des émissions polluantes – et notamment les dangereuses particules fines – Certains édiles ou habitants se réjouissent que des mesures énergiques soient enfin prises, d’autres sont au contraire furieux, comme le conseiller municipal responsable de l’environnement pour la ville : « La tromperie des constructeurs automobiles a abouti au fait que les véhicules diesel produisent jusqu’à huit fois plus de pollution que ce qui figure sur les papiers. », confiait-il au journal local General Anzeiger. « La faute revient à l’auto et pas à l’automobiliste. »

Les enfants les plus menacés

 

Une nouvelle étude réalisée par un météorologue local donne des résultats encore plus alarmants. Pendant 196 jours Karsten Brandt – c’est son nom – a mesuré les particules fines que respiraient ses deux enfants sur le chemin de l’école. Il a pour cela choisi une hauteur de 1 mètre – celle du nez des enfants – et pas trois comme dans les études habituelles. Le résultat : durant 25 jours le taux de particules les plus fines et donc dangereuses car elles peuvent pénétrer dans les poumons, celles d’une taille maximum de 2,5 micromètres (PM2,5) dépassaient les taux européens autorisés de 25 microgrammes par mètre cube d’air. Rappelons que les émissions gazeuses des diesels sont considérées par l’OMS comme cancérogènes.

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copyright Martin Mugunia, Stadtwerk Bonn

Comment faire face à ces défis ? Depuis 2010, la ville a mis en place une « zone environnementale » et émis une interdiction complète de circulation sur les axes les plus pollués aux camions. Mais les automobilistes ont de quoi être mécontents – de même que les artisans : depuis cette époque ils ont fait des efforts, achetés des filtres pour pouvoir entrer en ville- filtres qui se sont révélés insuffisants – . Les artisans de leur côté ont changé leur flotte pour des véhicules plus modernes adaptés à la norme Euro 4 et la plaquette verte allemande. Insuffisants aussi. Quant aux promesses des constructeurs automobiles d’un diesel propre, on sait ce qu’il en est advenu…Le Stadtwerk (la régie municipale) de Bonn s’est quant à lui engagé à petits pas depuis 2015 dans la transition énergétique. Elle a mis en service six bus électriques, alimentés exclusivement au courant écologique, ce qui lui a valu d’ailleurs en mars dernier un prix environnemental.  « C’est une bonne technologie, mais il faut voir si elle est vraiment adaptée à nos besoins » m’explique le porte-parole du Stadtwerk. En effet  Il est arrivé une fois qu’un des bus refuse d’avancer. Bonn comme d’autre villes européennes, participe au programme d’expérimentation ZeEUS- Zero Emission Urban Bus Systems de l’union européenne qui apporte son financement. Le bilan de cet essai sera fait à la mi 2018. L’objectif de la ville est en principe d’électrifier d’ici 2030 toute sa flotte – soit 190 bus. Cela permettrait l’économie de 12 500 tonnes de CO2 par an ! Evidemment un bon signal pour la ville qui a réussi à obtenir le Secrétariat permanent de l’ONU sur le Climat! Mais pour l’instant ce sont encore les diesels – plus d’une quarantaine flambants neufs et répondant à l’Euro norme 6 – qui parcourent les rues. Pourtant parfois, surprise, un bus électrique s’annonce. Comment réagissent les passagers ? « Franchement il n’y a rien de bien nouveau, explique Lothar, un passager. Les chauffeurs sont formés pour ne pas provoquer des démarrages trop abrupts, et l’on remarque surtout le bruit caractéristique, une sorte de chuintement… » Les nouveaux bus éco ont une autonomie relativement importante, puisqu’elle atteint en principe 200km : la recharge des batteries se fait donc le soir au dépôt, pas besoin de bornes de recharge en ville. Les bus peuvent rouler jusqu’à 75km/heures. Reste qu’un bus électrique est deux fois plus cher qu’un diesel à l’achat. Il s’agit donc d’un lourd investissement pour une ville. Sans compter les coûts de formation des chauffeurs. Bref on ne change pas une flotte de bus d’un claquement de doigt surtout dans une ville de taille moyenne. Mais les juges pourraient obliger les édiles à enclencher la vitesse supérieure.

En attendant, en l’honneur de la COP 23, la ville va faire un effort supplémentaire,et mettre en service des navettes électriques pour les participants. C’est bien mais dans la lointaine Bavière, on va plus loin encore : les chemins de fer allemands – die Bahn – y testent une navette autonome. Celle de la start up toulousaine EasyMile. Après Paris, la métropole Hambourg semble s’y intéresser de près. A Bonn on rêve plutôt à un téléphérique qui joindrait les deux rives du Rhin.. Pour prendre de la hauteur sur ce thème difficile sans doute !

copyright EC

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